Depuis près de cinquante ans, les villes françaises voient apparaître une nouvelle forme de tissu urbain dans leurs périphéries. Sur des bases corbuséennes, le tissu des grandes agglomérations se construit sous forme de secteur ou de zoning. Parallèlement, les infrastructures de transport rapide se développent : voies de contournement, rocades, grandes liaisons comme les autoroutes ou les voies ferrées. L'urbanisation rapide et l'ancienneté de certains maillages routiers ou ferrés sont à l'origine d'un problème récurrent dans les périphéries urbaines : l'effet de sectorisation de quartier. C'est à travers ce constat que mon regard se tourne plus particulièrement sur le cas de la ville de Poitiers et de ses quartiers Nord construits de part et d'autre de la vallée du Clain.
La vallée du Clain est une porte de la ville de Poitiers. Cependant au sein du tissu de l'agglomération, elle crée une forte rupture.
Dans son relief encaissé et étroit, s'engouffrent la voie de chemin de fer TGV et deux routes qui longent les coteaux calcaires. L'une d'elles, l'avenue de Paris, expose une succession d'éléments idéaux pour une entrée de ville. La zone d'activité de la République, à la sortie de la rocade, est à l'image d'une ville dynamique porteuse d'emplois. En descendant dans la vallée, la route longe alors le coteau. Sur les reliefs boisés, des demeures du 18ème siècle s'accrochent aux rochers affleurants formant un fond de scène remarquable pour les prés bordant le Clain. Toujours en entrant dans la ville par la même avenue, il faut alors traverser la porte de Paris. Au niveau de la confluence du Clain et de l'un de ces affluents, le carrefour superpose les voies ferrées aux voies routières. Au milieu des nombreuses voies, un élément patrimonial marque l'identité du carrefour : une tour médiévale, vestige d'anciennes fortifications. Ce nœud est en réalité assez symptomatique de la difficulté que représente le franchissement de la vallée. En effet, celle-ci a multiplié en son cœur les voies de communication Nord-Sud, renforçant de fait l'effet de frontière sur l'axe Est-Ouest.
En effet, la ville de Poitiers s'est développée de manière radiocentrique. Au Nord de l'agglomération, la rocade et les radiales permettant l'accès au centre de Poitiers ont cloisonné trois zones dans son maillage routier. La zone d'activité, la vallée et enfin la zone résidentielle de Buxerolles forment trois secteurs qui se juxtaposent sans tisser de lien entre eux.
A l'ouest, la zone d'activité de la République fait face à la zone résidentielle de Buxerolles à l'Est. Ces deux quartiers sont des pôles de travail et de vie importants pour l'agglomération de Poitiers. Il existe cependant peu de liaisons physiques et directes entre ces deux zones complémentaires. Les deux seules traversées possibles (la porte de Paris et la rocade) sont séparées de trois kilomètres : la vallée est une vraie frontière par sa morphologie et par les infrastructures qu'elle accueille. Le tronçon de la vallée du Clain qui traversait autrefois la plaine agricole, pénètre aujourd'hui dans le tissu urbain. La posture de la vallée a donc changé créant aujourd'hui une rupture dans le paysage urbain par deux aspects. D'une part, le caractère agricole et le cocon créé par les coteaux boisés confèrent une atmosphère tout à fait singulière à la vallée du Clain. D'autre part, elle tranche l'agglomération et accentue la ségrégation physique entre les deux quartiers du nord de la ville.
Cachée entre ses deux coteaux, la vallée du Clain est pourtant un lieu remarquable. La rivière fait rayonner autour d'elle des éléments de patrimoine (moulins, pont de la voie ferré, hôpital des champs...). Les champs de maïs, les pâturages, les jardins ouvriers sont logés dans un écrin boisé offrant un nouveau regard sur la ville de Poitiers. Une ambiance qui nous porte loin de la mouvance de la ville. Cependant cet espace exceptionnel est très peu accessible voir méconnu de quartiers adjacents. Il semble isolé du tissu urbain.
Comment alors ouvrir la vallée du Clain à l'agglomération de Poitiers ? Qu'est ce que peuvent gagner les espaces publics des quartiers monospécifiques à s'ouvrir sur cette vallée ? Quelles transversalités peuvent exister à travers la vallée et ses infrastructures de transport afin de tisser des liens entre ces trois espaces urbains ? Enfin, comment cette portion de vallée peut-elle devenir un élément d'union et de cohésion pour deux quartiers aujourd'hui indépendants ? Comment réduire l'effet de sectorisation qui existe entre ces trois zones en périphérie de l'agglomération ?
Mon travail va donc s'intéresser à la relation et aux connections possibles entre trois espaces urbains. Après un travail sensible, qui me permettra de saisir à la fois ce qui fait l'identité du lieu et les enjeux du site, il s'agit d'explorer les possibilités physiques de connections entre les quartiers. Par l'étude fine des reliefs et de l'histoire urbaine, j'espère saisir la posture actuelle de la vallée du Clain et mettre en relief des opportunités d'ouverture.
Cependant si je souhaite multiplier les possibilités de communication entre différents espaces urbains, c'est bien pour leurs habitants. Il s'agit donc aussi d'explorer les potentialités humaines, aussi bien politiques qu'associatives. J'espère ainsi mobiliser la participation des acteurs de la ville de Poitiers afin qu'ils deviennent eux même moteur de l'ouverture de la vallée du Clain. |