Connue, entre autres, pour son couteau et son fromage, Laguiole est aussi le village le plus peuplé et le plus important, économiquement parlant de l'Aubrac. Construit au XIIe siècle sur un dyke basaltique, Laguiole était une place forte et un lieu d'échange, fondée pour être un phare, un point de repère, un lieu de ralliement. On y venait de tout le plateau, des vallées avoisinantes et de plus loin encore pour les fameuses foires de Laguiole. Elle s'enrichissait de la complémentarité des paysages et des terroirs qui l'entouraient : Viadène, Boraldes, Aubrac et Laguiole formaient un système complexe d'échanges et d'interdépendances. La Viadène était une terre de petit bocage, de petites industries liées aux moulins, situés sur les nombreux petits cours d'eau qui descendent du plateau. Les Boraldes étaient le lieu des échanges entre la très active vallée du Lot et le plateau de l'Aubrac, terre de forêt, d'eau et d'estives, pour la Viadène voisine ou les causses, sur l'autre rive du Lot. Laguiole, quant à elle, était le point commun, le point d'échange de ce système. Aujourd'hui, ne plus prendre en compte l'ensemble de ces paysages, serait comme nier l'histoire de Laguiole et le socle sur lequel elle s'inscrit ; ces paysages ne font pas qu'entourer Laguiole, ils sont Laguiole.
Avec la renommée nationale, voire internationale que lui apporte le couteau, Laguiole se donne des allures de petite ville. Et en effet, le village peut s'enorgueillir d'en vivre, que ce soit directement par la production de couteaux, et par tout le tourisme qu'il induit, ou par les activités autres qui profitent de l'arrivée de touristes, venus sur place pour le couteau. Nous pouvons ainsi citer la coopérative « Jeune Montagne » qui a son usine de transformation à la sortie du village et qui propose aux touristes une vente directe de ses produits (fromage Laguiole, tome fraîche et aligot). Aujourd'hui, Laguiole, commune de 1 300 habitants, a de quoi faire pâlir plus d'une commune rurale avec une importante offre d'emplois sur la commune. Pourtant, l'attractivité n'est pas au rendez-vous. La plupart des emplois ne sont pas occupés par des Laguiolais mais par des habitants des communes voisines, voire des grandes villes voisines, Espalion, ou même plus loin, Rodez. La commune a donc du mal à fixer les populations sur place. On pourrait imputer ce phénomène au climat de l'Aubrac qui n'est pas des plus agréable en hiver, mais aussi à la difficulté de la commune à maîtriser le foncier, pour permettre, entre autre à de jeunes couples d'y construire leur première maison. Si le foncier est si difficile à acquérir, c'est que les terres agricoles sont jalousement conservées par les agriculteurs unis au sein de la coopérative « Jeune Montagne». Cette coopérative a été montée, dans les années 1960, par de jeunes agriculteurs du plateau. Ils souhaitaient relancer la production du fromage Laguiole qui périclitait du fait de la perte de la qualité laitière de la race bovine Aubrac, en introduisant une race de vache laitière sur le plateau et en faisant la promotion de leurs produits (le fromage Laguiole, la tome fraîche et l'aligot...). Parallèlement à cela, l'élevage Aubrac est redirigé vers un élevage de vaches allaitantes et de veaux. Avec cette restructuration de l'élevage sur le plateau, plus qu'une pratique, ce sont les paysages qui font l'originalité de l'Aubrac qui sont préservés.
De la même façon qu'elle a été avec d'autres communes de l'Aubrac et avec la coopérative « Jeune Montagne », à l'initiative du projet de PNR Aubrac, la commune de Laguiole souhaite désamorcer les tensions qui existent entre un monde agricole préservé, très actif et très bien organisé et un village qui veut attirer de nouvelles populations (touristes et nouveaux habitants) en s'inscrivant dans une logique de grand territoire en pensant son avenir au sein de sa communauté de communes « Aubrac-Laguiole », avec, pourquoi pas, la mise en place d'un PLU intercommunal.
En partant de ce constat-là, comment repenser l'offre de logements sur l'intercommunalité, ainsi que celle des équipements comme par exemple celui de l'adduction d'eau (Laguiole gère elle-même son alimentation en eau, du captage à l'assainissement). Et, dans le cadre d'une réflexion à l'échelle intercommunale, quel devenir pour Laguiole même ? Comment provoquer la rénovation de son centre bourg par une réadaptation de ses espaces publics ? Comment faire de la très touristique «Allée de l'Amicale» un fil conducteur au sein du village, depuis la vallée de la Selve et jusqu'au plateau de l'Aubrac (unités paysagères dans lesquelles Laguiole s'est forgée), en passant par la fromagerie de la coopérative, les petites boutiques de couteaux et les grandes forges (entités culturelles du village) ? Comment accueillir les touristes au cœur de la zone artisanale, lieu où sont aujourd'hui fabriqués les couteaux Laguiole ?
Comment donner envie de venir à Laguiole, d'y séjourner, et d'y rester ?
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