Etudiante : Morgane Chavaneau |
Directrice de mémoire : Jacqueline Osty |
Les Folies Siffait - Quel avenir pour une des "curiosités" du territoire ligérien ?
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Au sortir de la gare d'Oudon, un sentier se déroule et serpente le long de la Loire, en direction du Sud-Ouest. C'est un paysage tout en verts, jaunes et ocres, aux séquences intimistes qui se succèdent au fil des champs et bocages traversés. Mais le fleuve, lui, on ne le voit pas, on ne le sent pas, à la différence du train qui file et nous rappelle ta proximité de la ligne reliant Nantes à Angers, sonorement comme visuellement. On passe finalement sous la voie ferrée, auquel lui succède un paysage boisé partant à l'assaut du coteau abrupt - un socle composé de schistes et de gneiss – et qui aboutit sur des espaces grandement marqués par la culture de la vigne. Nous nous trouvons à 20 km en amont de Nantes, non loin de Saint-Méen, dans la commune du Cellier – celle-ci dépend du canton de Ugné, qui s'inscrit lui-même à plus large échelle dans la COMPA (Communauté de Communes du Pays d'Ancenis). La route continue et termine sa course un peu plus loin, dans des propriétés et domaines privés. On pourrait passer devant les Folies Siffait sans les voir, mais elles sont pourtant bien là, aussi discrètement signalées qu'elles puissent l'être depuis le retrait de tout élément d'indication, il y a un peu plus d'un an. Cette réalisation architecturale, née de l'imagination de Maximilien Siffait au début du XIXe siècle, s'étend sur près de 3,3 hectares, sous la forme de vingt-trois terrasses qui partent à l'assaut de ce coteau abrupt que la Loire borde. Pendant longtemps, ce fleuve a été une voie de communication essentielle et un axe d'importance pour l'acheminement des biens et des personnes. Depuis des siècles, il a été exploité, aménagé pour la navigation, a profondément marqué le paysage qui l'environne. Mais les Folies Siffait, qu'est-ce donc véritablement ? Un belvédère ? Un ouvrage d'art ? Un parc ? Des remparts ? Un balcon ? Une excentricité de son créateur ? C'est un peu de tout cela, même si on ne sait véritablement pourquoi cet ouvrage imposant a été réalisé - il fut, quoi qu'il en soit, en grand décalage avec les goûts de l'époque, ce à quoi il doit d'ailleurs son nom. A sa suite, son fils - un passionné d'horticulture - y acclimata près de 300 espèces végétales. Qu'en est-il aujourd'hui ? Le passage est tantôt facile, tantôt ardu. On navigue entre les terrasses, on se heurte à l'inaccessibilité d'autres, il faut parfois prendre du temps et bien des précautions pour venir à bout des montées et descentes où l'on peut seulement cheminer. Et on s'égare dans le site, morcelé comme il peut l'être. L'atmosphère est particulière, on sent le passage du temps sur les lieux, cette suprématie qu'a progressivement pris la végétation sur les ouvrages. Ainsi que l'a justement dit Julien Gracq, c'est « comme le mythe de l'Architecture enfin livré en pâture au Paysage». Mais si la végétation fait cocon, abrite aujourd'hui des regards, elle se fait parfois aussi obstacle, et surtout, menace pour les constructions existantes. Depuis 1942, les Folies Siffait sont protégées au titre de Monument Historique (elles ont également été ajoutées à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1992). En 1950, la SNCF a acquis les parties les plus basses du site, en bordure de voie, pour les sécuriser et, depuis 2007, le reste du site a été récupéré par le Conseil Général de Loire-Atlantique au titre d'ENS (Espace Naturel Sensible). Fragilisé, donc, par le développement de la végétation, mais aussi le passage régulier du train, érodé par l'eau dont l’évacuation n'a pas été pensée, le site est aujourd'hui fermé au public. Insécure, replié sur lui-même, il demeure dans l'attente d'une réhabilitation et d'une sécurisation. Quelle est alors la place du paysagiste ? C'est pourtant bien le paysage que Gracq évoque, mais les actions et les études menées jusqu'à maintenant semblent se concentrer essentiellement sur les architectures. Pourtant, le site ne peut être vu que par cette seule entrée, et les dimensions paysagère, écologique (n'oublions pas le statut ENS du site), historique et, aujourd'hui aussi, touristique, se doivent d'être également prises en compte. Se pose ainsi la question de la réhabilitation et de la revalorisation d'un site patrimonial fragilisé en tenant compte de tous ces angles de vue. L'approche doit bien sûr traiter du site en lui-même (mise en valeur, accès, réflexions sur le traitement de la végétation…) mais aussi considérer ses abords, les dynamiques locales. Les possibilités de visite sont aujourd'hui si restreintes et contrôlées qu'il n'est pas rare que celles-ci se fassent de manière clandestine, en dépit des dangers actuels existants. Il faut dire que les Folies Siffait sont très connues dans la région et font aussi l'objet de demandes et propositions très diverses : film, théâtre, spectacles, émissions… mais, le site, lui, peut-il le supporter ? Pour l'heure, il « dort » encore et rien ne s'envisage. Enfin, une réflexion sur la temporalité semble essentielle. La réhabilitation et la réouverture d'un site de cette ampleur ne peut mobiliser que beaucoup de moyens, d'où le besoin de procéder par phases et de cibler les zones sur lesquelles se pencher en premier lieu, en vue d'un projet global réalisé sur le long terme. |