Mon intention a tout de suite été de travailler sur la ville d’Auxerre et plus particulièrement sur les rapports que la ville entretient avec l’Yonne, la rivière qui la traverse.
Si Auxerre s’est développée, c’est surtout grâce à sa rivière. En effet, ce cours d’eau a toujours eu une vocation commerciale qui a permis à la ville de grandir et de s’enrichir. Encore aujourd’hui, avec ses 108 Km de voies navigables et relayées par des canaux, cette rivière possède une activité commerciale même si elle a fortement diminuée. C’est la navigation de plaisance qui a pris un grand essor dans la région. Auxerre compte d’ailleurs parmi les cinq ports fluviaux présents le long du cours d’eau. L’Yonne constitue donc un atout incontestable pour la ville même si elle fut à l’origine de nombreux malheurs. En effet, cette rivière a des fluctuations très importantes aux cours de l’année avec des risques de crues.
Lors de mes recherches, je me suis aperçu qu’un projet était déjà en cours de réalisation sur les quais de l’Yonne. Ce vaste chantier prévoit, entre autres, l’aménagement de voies cyclables des deux côtés des berges et le réaménagement du port fluvial. Néanmoins, le périmètre d’action reste assez restreint, contenu face à la vieille ville. Il n’y a pas de réelles accroches avec la continuité des berges.
Ce réaménagement des quais m’a amené à m’interroger sur les berges de l’Yonne, en amont et en aval du projet. C’est alors que j’ai découvert l’île de la Brûlée. Elle se situe à l’opposé du centre historique au Nord de la ville, sur la rive droite de l’Yonne. Un bras secondaire de la rivière encercle ce bout de terre d’une dizaine d’hectares. La municipalité vient juste d’acquérir ces terrains qu’elle considère comme une zone naturelle en raison de l’intérêt floristique et faunistique de cette prairie humide et de ces marais.
Une autre particularité de cette zone de nature est d’être en contact direct avec la zone d’activités industrielles des Champoulains. Cette dernière, qui existe depuis les années 1960, ne correspond plus aux attentes de la ville et pose problème pour deux raisons principales : elle a subit une forte désertification en raison du contexte économique actuel et est aujourd’hui rattrapée par les quartiers résidentiels de la rive droite. Se pose alors la question de la mutation et du devenir de cette zone d’activités située à proximité directe des habitations.
A l’extrémité Sud de cette île se trouve une friche industrielle : l’ancienne Ocrerie d’Auxerre, mondialement connue du XVIIème au XIXème siècle et l’une des plus importantes d’Europe. L’activité de ce lieu a cessé en 1961. Aujourd’hui, ce site privé est quasiment à l’abandon malgré la tentative d’implantation d’une association d’art contemporain en 2003 ; un projet qui aura avorté suite aux problèmes techniques (pollution des sols, sécurité du public, etc.).
La réflexion sur ces différents lieux m’a questionné sur l’ensemble de la rive droite de la ville et son organisation. En effet, contrairement à la rive gauche qui s’est développée de manière concentrique autour d’un centre ancien, la rive droite ne semble pas connaître de véritable cohérence de développement. On a le sentiment que les ensembles urbains qui la composent se sont juxtaposés au grès des opportunités foncières (zone d’activités des Champoulains, habitat social, centre commercial, lotissements, etc.), sans logique d’ensemble. En plus, on constate que la rive droite communique très peu d’Est en Ouest avec la ville centre, rive gauche et la couronne agricole périphérique à l’Est. Cela s’explique par deux « barrières » : la première naturelle qui est la rivière et la seconde « artificielle » qui est la voie de chemin de fer et les friches ferroviaires qui l’accompagnent. De plus, cette emprise urbaine, rive droite, est très enclavée par la rocade qui l’encercle et constitue une barrière supplémentaire sur le secteur.
Néanmoins, ce site présente de nombreux atouts qui ne sont pas valorisés. En effet, il se situe sur un vaste coteau au bord de l’Yonne, exposé à l’ouest, qui offre des vues panoramiques sur la ville centre et, vice versa, qui est visible du centre historique et très nettement perçu par les habitants de la rive gauche.
Suite à cette prospection de la ville, le site de l’île de la Brûlée et de l’ancienne Ocrerie semble avoir un fort potentiel de projet, un rapport privilégié avec la rivière et répondre à un certain nombre de problématiques de la ville.
Cette île, en bord de l’Yonne, offre un espace de « nature » insolite et méconnu des auxerrois ainsi qu’un potentiel pour constituer un réservoir de biodiversité, réconcilier la ville avec sa rivière et répondre à la problématique de la trame verte et bleue. L’aménagement de ce site permettrait également de clore le projet des quais lancé par la ville. Ce site aurait pour principaux enjeux la conservation et la mise en valeur d’un biotope particulier tout en ouvrant ce lieu aux auxerrois, pour des usages qui pourraient être en lien avec les loisirs nautiques et aquatiques (baignade, canoë, pêche etc.).
La zone d’activités industrielles des Champoulains qui la borde serait également prise en compte dans le périmètre d’intervention. En effet, cette zone d’activités vieillissante ne répond plus aux attentes de la ville en termes d’accueil de nouvelles activités. De plus, elle constitue l’entrée de ville depuis Troyes qui est très fréquentée et renvoie une image négative de la rive droite. Une requalification serait donc nécessaire. Enfin, les problématiques de franchissement de la voie ferrée et des friches ferroviaires, ainsi que des liaisons avec la « coulée verte », voie douce qui doit ceinturer la ville, et avec le coteau agricole périphérique qui se trouve à l’Est du site, serait également à intégrer au périmètre d’intervention.
Pour résumer et pour conclure, le site de projet que j’ai choisi se greffe au réaménagement des quais et prolonge cet espace en le reliant aux berges de l’Yonne, en aval de la ville. En effet, ce site implanté en bordure de rivière, situé sur la rive droite, pose des difficultés en termes de continuités paysagères, fonctionnelles et écologiques. Par ailleurs, il permet de créer une articulation entre l’Yonne, la rive gauche, et l’agriculture périphérique à l’Est tout en requalifiant une partie du tissu urbain de la rive droite (notamment celui de la zone d’activités industrielles des Champoulains), qui présente de nombreux disfonctionnements malgré des atouts indéniables et un fort potentiel de mutation. Plusieurs questions se posent alors et sont autant de pistes de projet :
- Comment articuler la trame bleue et ses deux rives ?
- Comment redonner une cohérence et une cohésion à la rive droite morcelée ?
- Comment pérenniser l’agriculture périphérique à l’Est ?
- Quel devenir pour la zone d’activités industrielles des Champoulains ?
- Quelle image donner à Auxerre par son entrée depuis Troyes ? |