Etudiante : Suzanna Rubino
Directrice de mémoire : Catherine Farelle
Les remparts de Bayonne, métamorphose d’une frontière urbaine.

Le sud-ouest possède un riche patrimoine de fortifications lié aux enjeux frontaliers avec l’Espagne. Des villes comme Navarrenx, St-Jean-Pied-de-Port, Hendaye, Fontarabie et Bayonne ont toutes conservé leurs fortifications en plus ou mois bon état. La ville de Bayonne constitue un exemple remarquable au vu de la superposition des époques depuis le Ve siècle et les interrogations posées par cet héritage sont de véritables enjeux urbains.

Les remparts de Bayonne constituent une ceinture de fortifications autour de la ville ancienne qui s’est développée à la confluence entre la Nive et l’Adour. Ce sont les romains qui les premiers protègent cet endroit stratégique (castrum).Les fortifications évoluent au gré des extensions de la ville, surtout au Moyen Age. Elles apparaissent comme des frontières urbaines à chaque fois transgressées. C’est sous Louis XIV que Vauban rénove et renforce les fortifications, Bayonne étant devenue un point de passage stratégique vers l’Espagne mais aussi vers l’arrière-pays qui fait fonctionner le port. Emprisonnée dans ses murs, ce n’est qu’au début du XXe siècle que la ville peut enfin s’étendre, libérée de sa fonction militaire. Bayonne tourne alors le dos à ce patrimoine, symbole de temps révolus. Les remparts sont donc les témoins privilégiés du développement urbain.
Aujourd’hui ils ont subi une certaine désaffection et bien qu’ils restent un lieu de promenade, le contraste est frappant lorsque l’on sort du centre ville où l’activité foisonne. Ces lieux sont dotés d’un certain caractère «grandiose», ils constituent également une pause urbaine appréciable et un formidable endroit de contemplation de la ville et du paysage. Pourtant, ils semblent sous-utilisés, un peu désuets, voire laissés à l’abandon et ont trop souvent été transformés en parkings ou boulevards routiers.
Cet héritage militaire et urbain précieux a bien sûr fait l’objet de réflexions, notamment suite à la proposition de l’architecte Bouvard en 1905 qui souhaitait détruire les fortifications dans son plan de «ville-bocage». Proposition qui précipitera le classement du site.

ACTIONS RéALISéES :
La ville de Bayonne a été très dynamique dans les programmes de rénovation urbaine des centres anciens pour en éviter la muséification. Elle fait ainsi partie du programme européen LINKS (Low tech INherited from the old european city as a Key of performance and Sustainability) qui considère que les solutions du développement durable se trouvent dans les centres villes anciens. L’ensemble des fortifications est classé depuis 1931 et le centre ville fait l’objet d’un «Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur». Au niveau des remparts eux-mêmes, plusieurs projets ont vu le jour comme la construction du stade de Rugby ou encore celle, à l’intérieur même des fortifications, de la bibliothèque et des amphithéâtres du Campus Universitaire de la Nive qui sont un bel exemple de réutilisation. En septembre 2010, une exposition rétrospective: «Habiter les villes fortifiées - Histoire, conservation, réutilisation et défis urbains», était organisée au Musée Basque et de l’Histoire de Bayonne. La ville de Bayonne vient d’obtenir le label «Ville d’Art et d’Histoire» et s’engage par ailleurs dans un programme de coopération culturelle et patrimoniale autour des fortifications avec la ville de Pampelune (Programme Opérationnel de Coopération Territoriale Espagne - France - Andorre ou POCTEFA).
Aujourd’hui, elle s’attache à établir un plan des trames bleues et trames vertes dans lequel les remparts peuvent jouer un rôle prédominant. En effet, ils constituent une «ceinture verte» en plein coeur de l’agglomération qui peut constituer un élément de liaison entre le coeur historique et les quartiers alentour.
Par ailleurs, la forme des remparts est un élément indéniable qui contribue à l’unité de la ville: le Grand Bayonne, le Petit Bayonne et St Esprit lui-même dominé par la Citadelle (aujourd’hui occupée par le régiment des parachutistes de la marine).
Quelle est la place d’un tel héritage dans la ville d’aujourd’hui?

PROGRAMME D’éTUDES :
L’étude, articulée autour de la notion de frontière vue à plusieurs échelles, révélera comment les jeux frontaliers fabriquent la ville et la mettent en relation avec le monde. Grâce à une iconographie fascinante, on comprend comment la ville transgresse ses propres frontières que sont les fortifications, pour s’étendre jusqu’à tourner le dos à son histoire. Cette analyse historique est nécessaire pour comprendre l’évolution de la ville par rapport à son enceinte ainsi que les relations entre les différentes villes fortifiées du Pays Basque. D’entre toutes, Bayonne possède un aréopage historique exceptionnel et il s’agit aujourd’hui bien évidemment de restaurer et de restituer ce patrimoine mais aussi de «l’inventer» par rapport à ses besoins urbains. Les expériences qui ont été faites jusqu’à présent sont toutes très liées à l’architecture mais les remparts constituent un paysage souvent relégué à l’abandon ou bien au statut d’espace vert. Il reste à donc imaginer les remparts d’aujourd’hui et cela à trois échelles :
- A l’échelle de la ville, enjeux de lisibilité et de réunification: utiliser les remparts comme élément d’unité et d’articulation entre le coeur de ville et la ville récente.
-A l’échelle du coeur historique, l’enjeu est celui de la restauration: identifier les espaces en devenir et remettre en question l’affectation de certains espaces, redessiner les contours.
- A l’échelle des remparts eux-mêmes, requalification et réinvention: valoriser le patrimoine architectural et paysager dans le cadre du label «Ville d’Art et d’Histoire», diversifier les fonctions et les usages, repenser l’accessibilité, inventer une nouvelle temporalité et un rythme à ces fortifications, de leur usages quotidiens à une programmation spécifique et enfin, penser au rôle écologique de cet ensemble.

Le projet portera sur l’ensemble de la couronne ainsi que ses articulations avec la ville. Une attention particulière sera portée aux remparts du Bourgneuf qui sont en besoin de restauration. Ce projet pourrait donner un nouveau souffle à ce patrimoine et transformer les remparts en une polarité nouvelle pour les Bayonnais.