Etudiante : Géraldine Pallu |
Directrice de mémoire : Claire Dauviau |
La basse vallée du Drac, de St Georges de Commiers à Pont de Claix ; vers un nouveau dialogue entre espaces naturels et industries.
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Le «Dragon», c’est ainsi que le Drac, rivière au régime torrentiel naissant dans le massif des Ecrins et rejoignant l’Isère à Grenoble est surnommé par les habitants du Dauphiné. Largement redoutée jusqu’au XVIème siècle en raison des crues qui dévastaient les vallées et la ville de Grenoble, elle fut alors endiguée, apprivoisée, et exploitée à des fins surtout industrielles et hydroélectriques dès le XIXème siècle. Aujourd’hui encore, elle conserve un caractère quelque peu négatif, menaçant, dans les esprits des gens, du fait de ces grandes installations qui la bordent, d’une puissance impalpable entre nature et énergie électrique. La montée des eaux est aujourd’hui imprévisible, n’obéissant plus aux logiques climatiques et hydrologiques, mais aux caprices d’EDF dictant sa loi sur la rivière. Un accident en 1995 (lié à un lâcher d’eau imprévu), a fortement marqué les esprits, provoquant l’arrêt des activités de loisirs liées à la rivière, et la rupture du lien sociologique entre la rivière et ses habitants proches. Depuis St Georges de Commiers, où s’achève le paysage des gorges serpentant dans un environnement montagnard et rural, jusqu’à l’entrée dans Grenoble (communes de Pont de Claix et Claix), les relations entre la rivière et son territoire semblent être oubliées, excepté le lien eau-industrie-électricité. Le Drac, ses paysages, ses ambiances, restent peu perceptibles et ressentis, peu accessibles, et les communes semblent lui tourner le dos. Il représente cependant un véritable potentiel, et semble essaye d’affirmer encore certains paysages et milieux «naturels». L’absence ponctuelle de digues lui permet de s’étendre et de divaguer en tresses multiples, de conserver un caractère un peu «sauvage». Des écosystèmes riches et variés sont présents, forêt alluviale, zones humides, roselières, gravières,... accueillant des espèces rares et de nombreux oiseaux. Mais ces milieux alluviaux sont menacés par la perturbation du régime hydrologique. L’absence de montées des eaux régulières liées à la temporisation des barrages provoque la fermeture des espaces, la dégradation des écosystèmes humides et l’assèchement de certains méandres. La réserve du Drac est en effet bordée d’espaces anthropisés qui coexistent avec de forts contrastes, sans entretenir de véritables relations entre eux. Le territoire semble un peu décousu, laissant des espaces en déshérence, des vides entre nature et béton, des enveloppes informelles qui entourent les usines pétrochimiques à risques qui se sont installées dans la vallée. Rive gauche, paysages calmes, sereins, ouverts sur fond de silhouettes montagneuses, la plaine de Reymure accueille une Zone agricole protégée et la zone de captage d’eau potable, plaine alluviale interdite au public. Rive droite, centrales et postes électriques, usines pétrochimiques fumantes, paysages austères et froids, extensions urbaines et cités ouvrières peu chaleureuses, friches industrielles... se succèdent le long de la rocade trop fréquentée. A quelques endroits seulement, le Drac est visible, se dévoile derrière la ripisylve large et dense, souvent majestueux, assez imposant avec ses ourlets de végétation, ses jeux de lumière... Le «Pont rouge», à l’entrée de Pont de Claix (petit parc historique en promontoire, pont du 17e siècle), constitue un enjeu important d’articulation avec la ville, qui mérite d’être mis en valeur. Mais le plus souvent, les accès sont difficiles à trouver, la rivière reste difficile à apercevoir et approcher, rien ne semble vraiment vouloir la révéler et l’ouvrir sur le territoire. Cette confrontation entre milieux «naturels» et paysages industrialisés, qui ont tous le point commun d’exploiter la rivière, me semble constituer une des singularités et richesse de ce site. Mais les usages de loisirs, les «liens sociologiques» entre les habitants et la rivière, paraissent rompus, les potentiels paysagers et écologiques sont négligés au profit de l’usage industriel et productif. Une atmosphère étrange, bien particulière émane de certains espaces, où l’on peut parfois ressentir une certaine hostilité, peut-être due aux forces et menaces présentes mais non visibles (force de l’eau et risque de crues, force énergétique et chimique, risque technologique....). Même si ces territoires industriels, où l’énergie et les risques règnent, ils accueillent aussi une certaine population ; ce sont des espaces vécus, habités, traversés, qui ne doivent pas être reniés. Comment vivre dans des territoires à risques, comment les développer sous de fortes contraintes ? Les territoires industriels doivent-ils être isolés, intégrés, révélés, ou mis en scène ? Comment gérer et intégrer ces paysages industriels situés entre ville et «nature» ? Le projet s’attachera donc à créer de nouvelles relations entre la rivière et ses espaces «naturels», et la ville et ses espaces industriels. Une nouvelle cohérence, de nouveaux liens paysagers, sociaux... doivent être crées entre ces territoires «décousus», entre la réserve (espace très protégée) et les espaces habités et anthropisés déjà existants. Quelle place, quelle image redonner au Drac et à ses paysages? Quelle identité pour cette nouvelle réserve périurbaine, entre ville et industrie? Quelles gestions pour restaurer les milieux mais aussi les valoriser et les faire découvrir? Comment concilier les différents usages, industriels, agricoles, écologiques, pédagogiques, touristiques...? Comment traiter les franges de la réserve, les transitions entre les espaces naturels protégés et les espaces périurbains industriels? Comment raccrocher la réserve à l’entrée de l’agglomération grenobloise, sur la commune de Pont de Claix et le site du «Pont rouge»? |