Un territoire encore isolé au nord des Ardennes françaises
Pour André Dhôtel, c'est « le pays où l'on n’arrive jamais ». Pour ceux qui l'habitent, le territoire du bout du monde fait référence à la pointe ardennaise ; isolée de tout par le relief du massif Ardennais sculpté par les méandres tortueux de la vallée de la Meuse. Mais ce territoire du confins ne pourrait-il pas être synonyme de l'ailleurs ? Un territoire largement enviable pour ses richesses, ses légendes et son paysage surprenant tant il est inattendu ? La pointe de Givet ne serait-elle pas un de ces paysages de l'ailleurs ?
A chaque époque, un enjeux stratégique
De tout temps la vallée de la Meuse a suscité des enjeux liés au contrôle du fleuve ; enjeux traduits différemment dans le temps et l'espace. Au XVIème siècle, la vallée de la Meuse est un axe stratégique de défense à travers les villes de Givet, Dinant, Namur... que Vauban n'a pas manqué de fortifier un siècle plus tard. Soulignons d'ailleurs que les forts et fortifications de Givet sont au croisement des lignes de défense de cette dite vallée avec la première ligne du Pré-Carré de Vauban. Le XIXème voient de nombreuses cheminées se disséminer le long des méandres mosans: de Namur en Belgique jusque Givet, Fumay, Revin, Monthermé.... en France ; les enjeux sont économiques et axé autour de la métallurgie et sidérurgie à l'ère industriel. Enjeux stratégiques de défense militaires au XVI et XVIIème. Enjeux économiques à l'ère industrielle (XIXème). Quels enjeux au XXIème siècle dans la vallée de la Meuse ?
La perception de ce territoire est encore dans les mémoires entretenue par la nostalgie de l'histoire et des fleurissantes industries. Lorsque l'on regarde la pointe ardennaise, on évoque la diagonale du vide, le déclin industriel, le chômage, le climat peu clément, l'enclavement important dû entre autre au relief et à une accessibilité restreinte (ferroviaire, fluviale et routière). Il est vrai qu'en certains endroits, le territoire et la civilisation apparaissent comme finis : villages et routes en impasse, terminus de la voie ferrée à Givet... aussi fini et inaccessible que le sont certaines routes de montagne. Malgré tout, cette vision empreint de nostalgie ne saurait être entièrement révélateur du territoire tant il apparaît complexe en réalité.
Depuis quelques années maintenant, la pointe de Givet est un territoire qui semble vouloir sortir de sa torpeur, de son retard économique. Parc Naturel Régional (PNR), Contrat de Redynamisation des Sites de la Défense (CRSD), création de la liaison ferroviaire Givet-Dinant, mise au normes européennes du port fluvial de Givet et création d'un arrière-port sont autant de projets qui voient le jour signant ainsi la volonté de redynamisation économique du territoire.
Abandonné par l'armée en 2008, les 90 hectares du fort de Charlemont devraient également participer au redynamisme de ce territoire et contribuer à le rendre plus attractif.
L'identité givetoise suspendue à un espace encore complexe à développer.
Suspendu sur un éperon rocheux au dessus de Givet, les sites fortifiés (Mont d'Haurs, Fort de Charlemont et Fort Condé) offrent l'avantage de tempérer le contraste entre un espace agricole de plateau et un espace urbain de plaine. Ces espaces constituent de réelles portes d'entrée au Sud du territoire Givetois. Plus encore, le Fort de Charlemont couronnant l'éperon est la référence paysagère et identitaire de la ville.
Dans l'enceinte propre de Charlemont, on dispose de différentes typologies d'espaces : urbain, militaire (fortifications), naturel...qui pourront être affirmé afin de rendre ce site emblématique du territoire. Cette friche militaire possède par ailleurs de nombreuses contraintes qui complexifient et limitent sa reconversion. Ce sont des contraintes d'ordre patrimoniales (inscription au titre des monuments historiques), environnementales (Natura 2000, ZICO, réserve naturelle nationale, ZNIEFF, ZPS, SIC), sanitaires (vétusté de certains bâtiments s'accroissant avec l'abandon et pollution pyrotechnique probable).
Comment envisager que les contraintes évoquées aujourd'hui puissent constituer demain les attraits indéniables de ce(s) site(s) ? Comment renverser la tendance tout en permettant d'ouvrir rapidement le site au public (et ainsi limiter l'enfrichement du site et le vieillissement des bâtiments) ?
Une nouvelle stratégie mosane liée à la reconquête du fort de Charlemont
Le fort de Charlemont tient son existence de la relation à grande échelle qu'il entretient avec les autres sites de défense, de la pointe de Givet comme des sites français ou belges des plans vaubanniens. Mais il existe aussi pour et par la ville de Givet à laquelle il donne son identité. C'est donc un site qu'il faut envisager dans un réseau de sites à grande échelle et comme point particulier du territoire givetois. Rester dans l'unité tout en laissant place aux différences qui font les qualités intrinsèques du site.
Ces différentes qualités intrinsèques étant d'une grande richesse et complexité, il faudra pouvoir comprendre la part de chacune d'elle dans le paysage et la synergie qui s'opère entre elles pour conquérir cette terre de l'ailleurs.
Comment rendre lisible et compréhensible par tous ce territoire comme le territoire de l'ailleurs à travers Charlemont ? Poser le fort de Charlemont comme ambassadeur de son territoire. Exploiter les différentes ambiances et typologies de ce site pour raconter l'histoire particulière du territoire. Sensibiliser les visiteurs à la poésie et à l’ingénierie des ouvrages militaires. |