En arrivant à la Poudrerie.
Tout a commencé par un trajet.
De Molière, petite Bastide perchée, à la ville de Bergerac, on parcourt des collines couvertes de forêts de chênes et de châtaigniers. Des potagers, des vergers, des prairies et des cultures de noyers entourent les quelques villages croisés. Plus bas, on longe d’une part le canal bordé de platanes et, d’autre part les champs de maïs et de céréales dévoilant parfois quelques domaines et châteaux. En arrière-plan une enfilade de collines suit tendrement ce parallélisme sinueux. Puis en longeant la Dordogne les villages se font plus longs et plus étalés. A l’abord de Bergerac, nous arrivons alors dans une petite zone commerciale typique des entrées de ville d’aujourd’hui. Sur le dernier rond-point, l’espace s’ouvre sur quelques friches. L’une d’elle, bordée d’un fin grillage laisse entrevoir sur un fond de ripisylve des monticules et des baraques en bétons. Dans cette prairie envahie de grimpantes et de plantes voyageuses, des moutons broutent…
Soudain l’étrangeté d’un nouveau décor attire mon attention: deux hauts murs forment une longue perspective sur plusieurs kilomètres. Et c’est au-dessus de ces derniers que l’on voit dépasser des éléments d’architecture industrielle mêlés à une végétation paraissant foisonnante. Un paysage mystérieux surprenant, caché... éveille ma curiosité.
Ce site m’intrigue depuis quelques années, et lorsqu’ il y a quelques semaines je m’y suis un peu plus intéressée, je me suis rendu compte qu’il était en pleine mutation. La ville de Bergerac a deux sites (ESCAT et SNPE) accueillant trois établissements (ESCAT, Bergerac NC et Eurenco) relevant directement ou indirectement du ministère de la Défense et qui suite à des lois de programmations militaires et la situation économique et industrielle sont voués à changer.
Ainsi ceux sont deux espaces en pleine évolution à la périphérie de Bergerac, insérés en partie dans son tissu urbain. Dans ces deux sites la perte d’emplois entraine un besoin de retrouver un nouveau dynamisme. Ils ont aussi en commun leur situation en entrée de ville et en bord de Dordogne.
Ces deux sites bien distincts sont également liés par des enjeux globaux qui concerne le tissu urbain de la ville. Il s’agira donc, d’après moi, d’avoir une vision globale pour mieux envisager l’avenir de chacun des sites, puis de travailler plus précisément sur l’un d’eux site (à priori celui de l’ESCAT, plus ancré dans une réalité proche).
Une pré-étude économique a été faite sur le site de l’ESCAT et une réflexion sur les friches de la SNPE est en cours. J’ai rencontré le responsable du service des affaires économiques de la Communauté de communes du Bergerac Pourpre (Monsieur Perrin) chargé de ces deux sites. Il est très intéressé par ma démarche qui permettrait d’avoir «une autre vision des sites, plus paysagère, complémentaire de l’étude économique». Je n’ai pas encore pu me rendre à l’intérieur des sites mais on m’a confirmé que je pourrais obtenir les autorisations nécessaires.
Le premier site à l’ouest de Bergerac accueille l’ESCAT (Etablissement Spécialisé du Commissariat de l’Armée de Terre) de Bergerac dont la fermeture est prévue en 2014. Un bureau d’étude a déjà réalisé une pré-étude économique pour ce site. En effet, la fermeture de cet établissement entrainera la perte de 120 emplois pour la commune. Je n’ai pas encore eu accès à cette étude mais je sais qu’ils y envisagent un pôle touristique.
L’ESCAT se situe au bord de la Dordogne, sur la rive nord. Il est proche d’un barrage hydroélectrique et de la confluence du Caudeau, petite rivière qui traverse la partie nord de la ville avec la Dordogne. Après avoir réalisé un parc de loisirs et de tourisme, la ville souhaite créer une «coulée verte» le long du Caudeau (qui n’est aujourd’hui que partiellement accessible) et aussi celui de poursuivre une promenade le long de la Dordogne. Ainsi le site de l’ESCAT est partie intégrante d’une charnière entre deux paysages de rivière.
Il est nécessaire d’y retrouver un dynamisme économique et social. Ce lieu pourrait constituer un nouveau pôle touristique tourné vers ces paysages fluviaux, en lien avec la «coulée verte», le parc de loisir et la promenade de Dordogne. Ce site peut également jouer un rôle important dans l’aménagement de l’entrée de ville et dans le rapport entre le tissu dense de la ville et les zones périurbaines commerciales et agricoles.
Le second site est celui de la Poudrerie (appelé aujourd’hui SNPE) à l’entrée Est de Bergerac. La ville de Bergerac a été pendant longtemps tourné vers le commerce (notamment de ses vins) via la Dordogne puis le chemin de fer. Au cours de la première guerre mondiale, l’installation de la Poudrerie transfigure la ville. Le site de Bergerac s’y prête bien: vaste vallée alimentée par le fleuve et proche de la voie chemin de fer et d’une usine hydroélectrique. Afin de ravitailler en munitions le front, plus de 25 000 femmes, étrangers des colonies et prisonniers allemands y travailleront. A l’entre deux guerres l’activité diminuera, puis pendant la 2e guerre mondiale elle reprendra employant plus de 12 000 personnes. Ainsi ce lieu est porteur d’histoires et de mémoire.
L’activité se poursuivit ensuite sous l’égide de la SNPE. Il accueille deux établissements fabriquant de la nitrocellulose et des armements. Aujourd’hui l’industrie de ce secteur est en mutation. Ainsi, la plus grande partie de la société Bergerac NC (fabriquant de la nitrocellulose) a fermé en mars 2011 et seuls 28 emplois sur 150 sont conservés grâce à la reprise par une entreprise étrangère. La société Eurenco (armement) devrait quant à elle être rachetée par un groupe allemand. Aujourd’hui les friches industrielles devraient être rachetées par le Conseil Général; une zone commerciale, un pôle logistique et un éco-pôle industriel y sont envisagés.
Alors quel devenir pour ce site où les activités industrielles sont aujourd’hui en difficulté? Quelles perspectives pour ce lieu de mémoire? Quel espace imaginer entre la zone périurbaine et le tissu dense de la ville ? Quel avenir pour le site de la SNPE qui a toujours eu des fluctuations dans son activité? Ne pourrait-on pas imaginer un scénario dans une temporalité différente, sur plus de 30 ans? Ce site doit-il changer de nature (industrielle ou pas, ou bien un autre type d’industrie)? Comment peut-on imaginer un site qui se «contracte» et se «dilate» en fonction des besoins créant un paysage en constante évolution?
Comment par une réflexion globale peut on envisager simultanément le devenir de ces deux sites en entrée de ville ? |