Terre sauvage soumise aux rudesses du climat et aux caprices du Rhône, la Camargue forme un paysage remarquable par son immensité. C'est un territoire sans limites, une terre lointaine et inhospitalière. Cet espace ne semble pas à la mesure de l'homme. C'est pourtant lui qui, au fil du temps, a construit et s'est approprié ces terres.
La Camargue est une région privilégiée pour apprécier les relations existantes entre l'homme et le milieu dans lequel il évolue, ce dernier lui offrant des potentialités qui sont exploitées tour à tour selon les opportunités économiques.
Les enjeux au niveau du territoire de la Grande Camargue sont liés à sa division en trois zones géographiquement et socialement distinctes :
- Au nord, les espaces agricoles sont occupés par des propriétaires terriens. On y retrouve les vignes, les rizières, les vergers et plantations.
- Au sud, on retrouve les salines gérées par les industriels Celles-ci ont des besoins en eau opposés à ceux de l'agriculture
- Au centre, la réserve protectionniste gérée par le Parc Naturel Régional de Camargue (85 000 ha) a pour mission de trouver un équilibre entre activités humaines et les milieux dans lesquels il évolue.
On peut aussi noter que le développement de l'agriculture dans la région se fait au détriment des pâturages pourtant nécessaires à la vie des manades dont le nombre augmente chaque année, encouragé par le tourisme.
La relation qu'entretient le village des Saintes Maries avec la Camargue est complexe. Ces deux entités, fortes d'un passé riche et tumultueux sont aujourd'hui au centre d'enjeux qui les divisent quant au devenir de ce territoire contraint à la lutte pour sa survie depuis l'antiquité.
Exilée aux confins des terres de Camargue, jadis à l'abri des dunes, la commune des Saintes-Maries est de nos jours gravement menacée, tant physiquement par la mer qui ne cesse de gagner sur le littoral que dans son identité par un tourisme de masse.
Très ancrées dans leurs traditions, les Saintes-Maries se sont construites un passé riche, fort de symboliques.
En effet, les fondements de la création de la ville reposent sur la légende selon laquelle les Juifs, après la mort du Christ, auraient obligé les saintes femmes et autres disciples vivant à Jérusalem à monter sur des barques qu'ils poussèrent sur les flots. La barque de Marie-Jacobée et Marie-Salomé aurait abordé les terres de Provence près du lieu actuel de la ville des Saintes Maries. Bien que pures légendes urbaines, ces récits sont ancrés dans l'âme des saintois, faisant de la commune une capitale camarguaise riche d'une culture, d'un terroir et de traditions vivantes et authentiques.
Au XIV ème siècle, la commune entreprit de se fortifier pour lutter contre les attaques maritimes. Les remparts renforcèrent l'isolement qui existait entre la ville et son environnement proche.
L'église fortifiée reste aujourd'hui l'un des derniers témoins de ce long passé d'épreuves, aboutissement de constructions que les cultes païens et la foi chrétienne ont successivement élevées, fortifiées, remaniées.
Tous les 24 et 25 mai, les fidèles répondent à l'appel séculaire et perpétuent les mêmes rites. Cette année, ce n'est pas moins de 40 000 personnes qui ont pu assister, au coeur de la ville, aux processions et messes à la mémoire des saintes créatrices de la ville.
La commune des Saintes Maries à su au fil des siècles se protéger d'un environnement rude. Privée d'eau douce par la fermeture d'un bras du Rhône, elle a du tirer parti du réseau d'irrigation construit avec l'aide des agriculteurs de la plaine. Néanmoins, cet apport d'eau semble le seul lien qu'entretient la ville avec les territoires de Camargue. La commune se tourne vers la mer et fait du littoral une de ses préoccupations premières.
Les enjeux de la commune s'axent sur quatre points :
- La protection de la ville contre l'érosion marine, la finalité étant de pouvoir proposer des solutions de protections plus douces à l'échelle de la commune,
- Le respect des traditions et le maintien des activités à l'origine de l'existence du village (tels que l'agriculture, la pêche et la chasse),
- Le développement, ou l'évolution, de l'urbanisme et de la circulation dans une vision globale et cohérente à l'échelle de la ville,
- La nécessité d'articuler le tourisme autour d'un projet global intégrant l'ensemble des partenaires économiques.
La position stratégique des Saintes-Maries au coeur du paysage si caractéristique de la Grande Camargue et sur le littoral méditerranéen en a fait une ville prisée par les touristes à la recherche de dépaysement. La commune a exploité cet atout et s'est développée en une cité balnéaire pour répondre à la demande.
Aujourd'hui, la renommée de la Camargue comme zone humide d'intérêt international et l'ouverture au sein de la Communauté européenne sont susceptibles d'accroître la fréquentation touristique dans les années à venir alors que l'on peut déjà recenser plus d'un million de visiteurs par an.
En conséquence, on peut observer une disparition progressive des pêcheurs et des agriculteurs au bénéfice des commerçants et des retraités, ces derniers souvent étrangers à la région. Sur le plan de l'urbanisme, le creusement d'un port et la création de nombreux lotissements augmentent le nombre de résidences secondaires et d'habitations de location.
Conscients des enjeux, les élus locaux remettent en question le tourisme de la ville dans sa globalité. En effet, si les actions menées présentement permettent de répondre à l'actualité du problème (problème de l'accueil touristique, de stationnement des caravanes et d'engorgement du centre-ville), elles ne sont en aucun cas des réponses durables aux enjeux de la ville
De plus, il est difficile de proposer des solutions dans un espace si protégé. La commune est en effet soumise à la Loi Littoral; Elle s'inscrit dans un périmètre de ZNIEFF et Natura 2000.
Dans ce contexte, la question est simple : Comment proposer un accueil touristique raisonné, en accord avec une demande précise et un territoire riche et complexe dont la préservation du patrimoine est un enjeu au quotidien ?
La relation entre la commune des Saintes et le PNR, qui gère la plus grande partie de la surface de la Grande Camargue, est conflictuelle. Il est difficile, pour une commune si ancrée dans son territoire, de donner un quelconque pouvoir décisionnel à une organisation récente qui, selon elle, n'est pas à même de comprendre ses besoins.
Les différentes problématiques auxquelles sont confrontés la commune et le PNR sont similaires mais non identiques. On retrouve une volonté commune de développer et d'accompagner la demande touristique dans un espace sensible, de faire valoir et maintenir des traditions propres à la Camargue (pèlerinages, jeux taurins, fêtes...).
Mais la réponse en terme de développement urbain de la ville semble en opposition avec la vision de protection de l'espace 'naturel'.
- Comment concilier dans ce paysage complexe les multiples réponses aux problématiques des différents acteurs ?
- Est-il possible de trouver une solution globale qui puisse permettre aux différentes entités de s'exprimer dans leur propre individualité ?
- Une relation peut elle se construire entre la ville et le parc naturel ? Que peut-elle apporter quant au devenir de la ville et de son contexte ?
- Où s'arrête l'emprise de la ville sur le territoire de Camargue; Quel périmètre retenir afin de placer la ville dans son contexte ?
- Comment valoriser l'espace 'tampon' entre la ville et le parc ? (développement des itinéraires pédestres et cyclables, requalification des entrées de ville...)
- Comment adapter la demande touristique aux caractéristiques de la ville et de son environnement ? Comment accueillir chaque année un nombre croissant de touristes dans le respect du patrimoine naturel et historique de la ville et de la région ?
- Quelle place donner à l'identité, le patrimoine de la commune ?
- Quelle évolution ou adaptation du développement urbain peut être mise en place à l'échelle de la ville pour répondre aux problématiques telles que l'engorgement du centre-ville, l'accueil des caravanes, le développement des infrastructures pour les touristes et les locaux... ?
- Comment concilier protection du littoral et développement durable ?
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