Au sortir de Paris, la Seine chemine paresseusement vers le Havre sous forme de méandres. A 20 km au Nord ouest de la capitale, la boucle de Chanteloup s’inscrit comme un des maillons de ce grand paysage.
Relativement encaissée par les coteaux calcaires et isolée par le fleuve lui-même, elle constitue une sorte de presqu’île enclavée s’étirant sur 5 km de long pour 3 km de large.
Depuis le XIXème, le maraichage et les vergers ont prospéré sur les terres agricoles, aidés par l’épandage massif des boues d’épuration parisiennes. L’exploitation vivrière y est désormais interdite en raison de la pollution présumée du sol aux métaux lourds, laissant de vastes terrains ouverts et en friche où la reconversion suscite le débat.
L’extraction sablière et gravière occupe quant à elle, depuis un demi siècle, de vastes emprises sur les secteurs situés en bordure de Seine, laissant derrière elle des étangs et zones humides écologiquement intéressantes (ZNIEFF I ET II). Ces espaces ont aujourd’hui une image de terrains « naturels » et peuvent constituer des atouts majeurs pour l’image écologique et récréative du site à proximité des villes.
Sur toute la frange de la boucle, des éléments très divers séquencent le paysage, chemin de halage abandonné, port de plaisance (futur port logistique ?), décharges comblées, étangs ou encore zones plus urbanisées.
Les vastes emprises foncières restantes génèrent un appétit de la part de tous les acteurs.
Incluse dans le périmètre d’action de l’Opération d’Intérêt National Seine Aval, l’avenir de la boucle est grandement conditionné par l’EPAMSA (établissement Public d’Aménagement du Mantois Seine Aval) qui y pilote une démarche globale. La Communauté de Communes des Deux Rives de la Seine y est étroitement associée et tente de concilier les souhaits de chacune des communes de la boucle dont les extensions sont rendues nécessaires par le besoin de créer un bassin d’emploi et des habitations.
La volonté de l’intercommunalité est également de contenir l’expansion urbaine pour tenter de conserver un « coeur vert » au centre de la boucle.
La conservation de l’identité du lieu et la mise en valeur de son patrimoine naturel sont ambitieusement mêlées aux préoccupations de développement économique et démographique. Néanmoins, l’image de cette boucle et la lecture que l’on en a aujourd’hui pourraient être très rapidement détruites dans le cas où les implantations d’équipements, les opérations immobilières et zones industrielles programmées à terme s’implanteraient de façon déconnectée des spécificités du terrain.
Dans ce contexte de ville en expansion, comment peut-on conduire un développement urbain en lien avec le paysage fluvial et le paysage de boucle ? Le préverdissement peut-il constituer une phase transitoire dans l’évolution de certains espaces ? Quelle place doit être accordée aux espaces naturels existants et en devenir ? Quel avenir donner aux terres polluées et aux carrières laissées vacantes ?
Si chaque espace doit être considéré avec ses propres qualités, il parait aussi primordial de se pencher sur les conflits liés aux transitions entre les différentes entités de la boucle : comment articuler les usages actuels et futurs ? Comment penser les lisières et connexions possibles ? Comment conserver le caractère unitaire et identitaire de la boucle, tout en limitant son émiettement en autant d’espaces banals ?
Toutes ces questions devront à terme permettre d’accompagner dans le temps une évolution logique de la boucle de Chanteloup, tout en lui offrant l’opportunité de rester un espace spécifique, identifiable et caractérisé par son paysage et son environnement. |