Face à l’Angleterre, sur la rive est du détroit du Pas-de-Calais, s‘étend l’estuaire de la Baie de Canche, site écologique majeur à l’échelle de la façade maritime, de par sa fonction de nourricerie. Il se définit par un complexe d’estuaires et d’estrans vaseux où l’ensemble des habitats atlantiques caractéristiques de la slikke et du shorre est représenté. La morphologie de la baie est caractérisée par un poulier, sur la rive sud, engraissé par l’apport de sédiments, qui tend à refermer cet estuaire et qui fait face, sur la rive nord de la Canche, au musoir indemne de tout endiguement et altération.
De part et d’autre de cette baie, deux entités s’opposent par leur nature, leur histoire, leur paysage et leurs occupants. Au nord, la géomorphologie de la rive droite de l'estuaire est le point de départ des falaises calcaires qui s’élèvent jusqu’au Cap Gris-Nez et en fait un espace peu propice à l’anthropisation. L’acquisition des garennes de Lornel, des dunes de Stella et des dunes de Mayville en 1977 par le Conservatoire du Littoral a aussi largement contribué à la préservation de cette rive, aujourd’hui sanctuaire de biodiversité. Au sud de la baie, c’est un tout autre visage ; celui d’une station balnéaire, le Touquet-Paris-Plage, étendue de 15 km² dédiée au tourisme. En dépit du classement «réserve naturelle» de la pointe nord du Touquet, la baie de Canche demeure une séparation entre la rive droite, espace préservé, et la rive gauche, urbanisée.
Au fond de l’estuaire, le point de connexion entre nord et sud, au niveau de la ville d’étaples, constitue une troisième entité à souligner. Cet ancien port de pêche d’importance, soumis à l’envasement et l’ensablement, peine aujourd’hui à conserver ses attraits de ville maritime.
Le temps, architecte, transforme le rivage. Le nord de la baie, façonné par les vents et marais depuis un millier d’années et stabilisé depuis la dernière montée des eaux, est resté à l’écart des envies dévastatrices de l’homme. De plus, les actions minutieuses du Conservatoire permettent de délivrer des paysages éblouissants depuis un belvédère où les plus beaux atouts du cordon dunaire de la Manche nous sont offerts, et qui sont aujourd’hui menacés par le réchauffement climatique et la montée des eaux.
Le sud a vu cette même configuration se modifier en à peine plus d’un siècle. Avec l’acquisition en 1837 du domaine du Touquet, «Tournant» en patois picard, la transformation s’opère rapidement. Dès 1855, les dunes de garennes se parent de pins maritimes et vingt ans plus tard, les premiers logements prennent place : la ville du Touquet-Paris-Plage est née. Sa croissance exponentielle va durer jusque dans les années trente, période où elle connaîtra son apogée et se dotera des composantes urbaines et végétales qui font d’elle, aujourd’hui, la station des quatre-saisons.
La municipalité du Touquet souhaite se diriger vers la création d’espaces de nature dans la station, en ville mais également sur le front de mer bétonné où l’automobile n’aurait plus sa place. Les collectivités territoriales, s’orientent vers la construction d’éco quartiers dans la baie : à Quentovic, point de connexion entre étaples et le Touquet, et sur l’espace Nouveau siècle, pôle attractif bâti sur l’ancienne piste de l’aérodrome où culture, sport et enseignement se côtoieront.
épargnée à plusieurs reprise de mutilations irréparables - barrage en amont sur la Canche, port de plaisance sur la pointe nord du Touquet - la baie de Canche offre aujourd’hui un paysage composé, où ville tournée vers la mer, ville oubliée de la mer et dunes inaccessibles cohabitent sans connexions fortes.
Comment alors créer une harmonie entre ces différentes composantes pour que la relation entre homme et nature puisse perdurer sans heurt ? Peut-on parallèlement retrouver les paysages identitaires du littoral de la Manche ? La revalorisation du front de mer, les connexions entre les différents éléments identitaires du Touquet et l'ouverture de la ville sur la baie et sur le territoire du Conservatoire sont quelques unes des orientations pour le développement, la mise en valeur et la préservation de la baie de Canche. |