Il est dit que le Berry a été inventé par George Sand, qu’elle le fit connaitre hors de ses frontières. Cette contrée, située au centre même de la France, semble en effet avoir été découverte au 19ème siècle, à l’époque de l’écrivain. Révélé par George Sand, le Berry a longtemps subi un enclavement qui lui fut défavorable. Même si ce dernier est encore bien présent, et beaucoup de ses habitants ne « comprennent pas qu’on s’y intéresse », c’est au cœur de la Vallée Noire, comme elle la nomme, que George Sand avait choisi de demeurer.
C’est dans ce décor agricole et bocager, empreint de légendes et de mysticisme, dans ce « pays modeste qui n’appelle personne », qu’elle puisera son imagination, qu’elle appuiera ses recherches botaniques et qu’elle donnera les clefs de l’initiation du voyageur à l’art de découvrir un pays. Sans éblouir par des images trompeuses, elle pousse à comprendre ce territoire et les influences qui l’ont modelé. Parcourir, sentir, apprendre à voir, sont ses maîtres mots. C’est ici aussi qu'elle portera un grand intérêt à la fonction même de son jardin et sera très sensible aux liens que son jardin entretient avec l’extérieur.
Sa propriété d’une dizaine d’hectares laisse aujourd’hui une grande place au jardin, à l’image de l’intérêt qu’elle lui conférait. Très attentive à la botanique, à l’agriculture ou encore, à la politique, elle passera une grande partie de son temps à défendre l’équilibre et la vulnérabilité de la nature, la « nature brute » et les « mauvaises herbes ». Et c’est justement par sa liberté du regard qu’elle portait sur chaque élément que sa pensée reste à ce point contemporaine.
Le château de Nohant et sa ferme demeurent, le jardin comme son cadre restent et évoluent. Son jardin est grand, très grand, il s’étend aux paysages avoisinants et a été récemment classé jardin remarquable pour ses qualités d’intégration paysagère. Pourtant, ce jardin d’écrivain porte les séquelles d’une réalité contemporaine. Le thème de la limite et la clef de son lien au paysage berrichon se fragilisent et parfois même ont disparu. Un paysage où les horizons agricoles se dénudent pour ressembler davantage aux plaines de Beauce qu’aux paysages Sandiens. Un Berry qui puise sa force dans la qualité de ses paysages mais qui perd peu à peu son patrimoine par une mise à l'écart bien réelle. C’est pourtant bel et bien au sein de la propriété de Nohant que le jardin prend corps : un verger, un potager, un bois et jusqu’au sein même de sa maison, par un herbier. Un jardin où il ne demeure que quelques traces, où le temps semble avoir figé certaines parties du jardin pour les soins d'une visite.
Quelles sont alors les perspectives d’avenir pour un jardin historique ? Pour un jardin d’écrivain, aussi contemporain soit-il dans sa vision du paysage ? Comment porter ce jardin à l’usage du public sans lui ôter son caractère privé et l'envie soudaine qu'il donne d’y habiter ? Un jardin dont le cadre si important se délite ? Comment faire rentrer le paysage environnant dans le jardin par ses limites subtiles ? Un jardin tiraillé entre la mémoire du lieu, la mémoire de son auteur et un usage public de cet espace. Ce jardin où l'on privilégie aujourd'hui l'historicité d'un lieu axé sur la préservation, en négligeant parfois la loi du temps, maître de l'équilibre. Toutes ces questions qui reposent la fonction du jardin comme catalyseur de pensées, le jardin comme point de départ vers l’ailleurs et la réflexion, le jardin à vivre et à penser. Un jardin qui recherche son lien avec l’être humain.
|