La ville de Rennes marque l’entrée de la Bretagne depuis Paris, avec ses 210 000 habitants. Comptant parmi les premières communes à avoir misé sur la densification urbaine prescrite aujourd’hui, Rennes est une ville riche en espaces verts : ils couvrent 15% de sa surface, soit 811 hectares. Outre la trame verte et la trame bleue qui quadrillent la ville en reliant les espaces verts, la rivière de la Vilaine et le canal d’Ille et Rance, on trouve plusieurs pénétrantes : le parc des Gayeulles au nord-est, les prairies Saint Martin au nord, et la zone de la Prévalaye au sud-ouest.
Cette dernière est particulière : outre qu’elle s’étend sur 500 hectares, ce qui en fait le plus grand espace vert rennais, elle est située à l’extérieur de la rocade qui définit la limite de l’urbanisation, entre la rocade à l’est et la Vilaine à l’ouest, dans un contexte périurbain. La Prévalaye est située sur le territoire de Rennes, mais les communes du Rheu et de Saint-Jacques de la Lande en sont limitrophes, et disposent d’un accès direct. Il faudra donc les prendre en considération.
Ancien domaine seigneurial, la Prévalaye est aujourd’hui un espace aux usages multiples : pédagogique dans sa partie ouest en contact avec la ville, avec l’écocentre de la Taupinais et les jardins familiaux de la Guérinais ; sportif avec des terrains de sport et la zone de la Rabine dévolue à l’accueil des évènements équestres ; équipement public, avec le centre aéré de la Prévalaye et la base nautique de l’étang d’Apigné ; on y trouve aussi des surfaces agricoles et naturelles. Cette multiplicité prend place sur un territoire naturel, à l’ambiance plus rurale que périurbaine.
Les limites nord et sud sont marquées par des zones d’activité d’importance majeure, la zone d’activité de la route de Lorient au nord, et celle de Saint-Jacques de la Lande au sud. L’expansion de cette commune entraîne une fermeture brutale de l’espace au sud, due aux différences des politiques d’occupation du territoire entre les deux communes. Au Nord, la frontière entre zone d’activité et zone naturelle est atténuée par les berges arborées de la Vilaine, et se signale dans des créneaux visuels et par le fond sonore caractéristique des activités industrielles.
L’espace de la Prévalaye est entretenu par la ville de Rennes selon les principes de la gestion différenciée. Depuis 1981, cette politique classe les espaces verts rennais en fonction de leur statut et de leur usage. L’entretien est réalisé au cas par cas, avec des méthodologies adaptées aux types d’espaces considérés.
Cela vise à réduire le poids financier et environnemental des opérations d’entretien, éviter l’artificialisation et l’uniformisation des espaces verts en milieu urbain, et permet de diversifier l’offre en parcs, jardins, zones naturelles, espaces de proximité, tout en prenant en compte les facteurs de développement faunistiques et floristiques.
Ce principe est prolongé depuis 2000 par la mise en place d’une nouvelle politique : le « zéro phyto ». Mis à part quelques exceptions motivées par la santé humaine ou le statut exceptionnel d’un site, tout traitement phytosanitaire est proscrit, remplacé par d’autres alternatives adaptées aux besoins.
Avec une dominante végétale, la Prévalaye est concerné par une ZNIEFF, et fait l’objet de plusieurs études visant à définir sa valeur écologique, tant végétale que faunistique. C’est une formidable zone naturelle aux portes de Rennes.
Mais elle pose plusieurs questions : tout d’abord, quel est le statut exact d’un tel espace en milieu périurbain ? Peut-on parler d’une zone naturelle malgré l’existence d’une politique de gestion ? Quel avenir possible pour cette poche verte prise entre trois communes ?
Un autre atout majeur de La Prévalaye est l’eau : la Vilaine délimite cette zone sur deux côtés, nord et ouest. Le tiers ouest est recouvert d’un chapelet d’étangs, résultant de l’activité des carrières d’extraction de sable. Certains sont encore exploités, d’autres non, mais ce sont des éléments structurants du paysage.
Au nord, la station d’épuration de Beaurade prolonge la zone d’activités de la route de Lorient, bien qu’elle soit sur la rive sud de la Vilaine. Son impact est essentiellement visuel, car les nuisances olfactives et auditives ont été réduites au strict minimum lors de sa construction, en 1996. Pourtant, elle renforce la présence de l’eau sur ce territoire, par ses structures caractéristiques et son implantation dans une zone de prairie humide.
Enfin, des micro-éléments du paysage liés à l’eau jalonnent la partie centrale de la Prévalaye : fossés, étangs privés, prairies humides, ruisseaux… Mais ceux-ci ne sont pas toujours lisibles : les petits étangs sont cachés par des haies, les fossés à sec, le ruisseau encaissé ; l’eau est présente mais de façon quasi-imperceptible. C’est en se déplaçant vers l’ouest qu’elle devient évidente, majoritaire, avec les étangs qui s’alignent le long de la Vilaine. On trouve également des éléments bâtis qui se rapportent à l’eau : moulin, écluse, et buvette du côté de l’île du chantier naval, entre les deux principaux étangs.
Cette apparition progressive de l’eau dans la Prévalaye, de l’est à l’ouest, est une réalité, mais pas une évidence. Les cheminements suivent et recoupent le réseau hydrographique de surface, sans pour autant y avoir accès. Et, malgré la vocation de promenade de cette zone, on trouve peu de circulations réservées aux piétons et cyclistes, à part le chemin de halage, au nord, et un chemin de promenade qui suit essentiellement les routes entre deux tronçons de sentier.
Etant donnée la complexité des usages de la Prévalaye, peut-on trouver la nature propre de ce site ? Est-ce un espace de nature doté de quelques aménagements, ou bien une zone d’équipements avec des espaces naturels interstitiels ? Le réseau de desserte, majoritairement automobile, est-il suffisant ? Et enfin, quelle place pour l’eau ? Doit-on ouvrir les espaces naturels pour faire connaître les différents aspects de l’eau dans le paysage, des fossés à la rivière, des roselières à la station d’épuration dernier cri ?
En continuant vers l’ouest, le long de la Vilaine, se trouvent alignés les étangs résiduels de l’extraction de granulats. L’exploitation se fait du nord au sud, ce qui explique que l’étang le plus au nord soit le premier à avoir bénéficié d’un plan de réhabilitation de carrière, dans les années 1980. C’est l’étang d’Apigné, le plus connu des Rennais. Doté d’une plage de sable, d’une zone de baignade surveillée et d’une base nautique en été, ce plan d’eau de 25 hectares est la plage des estivants rennais, d’autant qu’une navette dessert ce site en été, à seulement 3 km de la zone urbaine.
Les autres étangs, plus au sud, sont à l’opposée de l’aménagement de type urbain du premier : gérés de façon naturelle, leur accès est interdit car dangereux, la carrière étant en pleine activité.
L’étang des Bougrières fait pendant à celui d’Apigné, juste au sud de celui-ci, avec une surface légèrement supérieure. L’exploitation y a également cessé. L’interdiction d’accès y concerne aussi bien le plan d’eau que ses abords, car il s’agit d’une réserve d’eau potable d’appoint pour la métropole rennaise ; la station de pompage voisine avec l’ancienne chapelle de Lilion, sur la berge sud de l’étang. Son cadre, totalement naturel, ainsi que le peu de fréquentation humaine, le singularisent au niveau écologique : c’est une zone de halte d’oiseaux migrateurs, et un écosystème particulier, rare en milieu périurbain. Les étangs plus au sud sont encore en cours d’exploitation, mais la végétation qui commence à les occuper préfigure d’autres zones naturelles.
D’un côté, l’étang d’Apigné, base de loisirs qui souffre de surpopulation pendant les journées chaudes ; de l’autre, un chapelet d’étangs méconnus qui abrite une faune et une flore particulières, à l’abri de la présence de l’homme. Ils sont tous reliés entre eux par l’écoulement de l’eau, et forment un réseau parallèle à la Vilaine.
Consciente des enjeux que représentent ces étangs, de leurs particularités ainsi que de leur instabilité, la ville de Rennes a lancé des études pour aménager l’étang des Bougrières. C’est dans le cadre de cette démarche que vient s’inscrire mon travail.
La volonté des services rennais est de miser avant tout sur cette richesse écologique et de la préserver, même si cela doit se faire au détriment de la présence humaine. Il faudra donc penser cet aménagement non pas comme une nouvelle zone de loisirs, mais plutôt comme une opportunité de découverte du fonctionnement des milieux humides, en trouvant la place juste de l’homme, à la fois utilisateur de la ressource, bâtisseur de cette structure artificielle, mais aussi hôte indésirable du point de vue des populations animales et végétales.
Mais cet étang appartient avant tout à un ensemble, et ne peut être considéré séparément. La conception différenciée préconisée par la ville de Rennes va permettre d’envisager l’aménagement des ces étangs de façon adaptée, d’un côté la zone de loisirs, et de l’autre un milieu dévolu à la faune et à la flore. De plus, les enjeux qui se croisent et s’opposent parfois sur ces étangs devront être considérés dans leur ensemble, afin que le projet considère l’ensemble de la structure selon une logique spatiale et fonctionnelle, même s’il ne s’applique qu’à un seul étang.
Depuis que la ville existe, elle s’est posée en opposition par rapport à la campagne, de par sa structure et son rôle ; pourtant, la ville ne peut exister sans la campagne, pour des raisons utilitaires (alimentation, …) et également idéologiques.
La ville croît, s’étend, et étend son influence sur des territoires a priori non concernés, par le biais de réseaux véhiculant les idées de la ville : transports, communication…
D’un autre côté, les habitants originels de la campagne se revendiquent clairement comme ruraux et refusent d’adhérer à la vie urbaine.
Malgré la partition très nette des urbains et des ruraux, on assiste de plus en plus à une mixité entre ces deux modes de vie. Elle est due à la diffusion d’idéaux de ville et de campagne par le biais des médias, et à la migration des urbains en périphérie des agglomérations. Sur un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres autour des grandes communautés urbaines, les noyaux villageois se gonflent de nouveaux arrivants. Mais le schéma global reste l’opposition entre la ville où l’on travaille et la campagne où l’on vit et se ressource qui tend à devenir une « banlieue dortoir », une annexe de la ville. On assiste alors à des conflits d’usage et à des difficultés d’intégration des travailleurs urbains résidant en campagne.
Or, avec l’épuisement prévu des ressources énergétiques naturelles, et le début de changement des mentalités, notamment sur les modes de transports, ce schéma de pôles urbains rayonnants va devoir être redéfini, réadapté aux exigences nouvelles de notre mode de vie à venir.
C’est sous cet angle que j’ai choisi d’aborder l’extension prévue d’une petite commune de type rural, située à l’extrémité de la zone d’influence du pôle urbain toulousain. Les outils juridiques mis en place ne permettent l’aménagement des terrains concernés que dans une dizaine d’années, lorsque l’extraction pétrolière sera en nette récession. La solution devra donc proposer un nouveau schéma de regroupement humain, en accord avec les grandes orientations d’économie d’énergie et les nouveaux modes de vie qui en découleront.
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