Barcelone est embrassée par deux vallées, au nord celle du rio Besos, au sud celle du rio Llobregat. Longtemps considérées comme frontières naturelles et bassins nourriciers de la ville, elles sont aujourd’hui le futur de Barcelone avec de véritables opportunités urbaines.
Le centre de Barcelone souffre plus que jamais de son succès touristique et de la « gentrification » de la plupart de ses quartiers, ce qui repousse vers les banlieues sa population traditionnelle. Une immigration très élevée accélère encore la croissance vers la périphérie. Délaissée par les grands programmes nationaux sous le franquisme, la ville a retrouvé un nouveau souffle à partir de 1975, avec pour apogée les jeux olympiques de 1992. Elle a acquis ainsi une forte image urbaine et s’est replacée dans le rang des grandes capitales européennes. Cependant, des années de non gestion urbaine et un fort taux d’immigration ont marqué le territoire, notamment par le « baraquisme », une forme incontournable dans l’histoire de la ville. Parallèlement, Barcelone doit trouver sa place comme ville méditerranéenne et la réforme de l’industrie la pousse à l'étalement à travers l’urbanisme de réseaux et le zoning.
Ainsi la ville déborde de ses limites naturelles et ignore presque la relation historique entre ville et rivière, tout comme elle a longtemps ignoré sa relation avec le front de mer, les vallées sont prises en étau. Le choix politique est clair, les vallées deviennent le nerf du développement urbain et constituent les portes d’entrée de la ville. La conséquence de cette pression économique et foncière se traduit par le recul des terres agricoles. On compte aujourd’hui 3000 ha de cultures contre 12000 ha, il y a 40 ans. Cette situation, bien que stabilisée par la création d’un parc agricole, reste fragile.
Les enjeux concernant le développement Sud Barcelonais jouent sur deux échelons politiques : la Generalitat de Catalunya qui prône le développement de la mégalopole et le profit économique immédiat, et les municipalités en marge de la rivière, situées dans la deuxième et troisième couronne qui jonglent entre croissance économique, territoire et cadre de vie. La vallée du Besos est entièrement colonisée, faisant aujourd’hui reposer toutes les pressions sur la vallée du Llobregat. L'opportunité topographique que représente cette dernière lui a causé de nombreuses balafres et laisse un paysage radical, décousu, autant dans sa dimension sociale que dans sa continuité physique. Néanmoins, si on regarde de plus près ce territoire, si on prend le temps de ralentir sa vision du paysage, on découvre dans les interstices un microcosme : « Los Huertos ». Ce sont des jardins ouvriers sauvages, de petites unités de terre que cultivent, au gré des opportunités, les habitants des quartiers périphériques. Le plus souvent retraités et étroitement liés au phénomène des « baracas » (donc de l’immigration), ils reviennent spontanément à la culture de la terre. Ils sont les pionniers de la reconversion, les jardiniers de la vallée. Leur action marginale ne permet pas encore d’avoir un impact paysager fort sur un territoire aussi haché que celui de cette vallée, mais ils sont porteurs d’un phénomène social à légaliser et à encourager. Outre le bénéfice social, c'est une occasion de redonner un sens au paysage de la vallée et une nouvelle raison d’être à cette frange urbaine que l’on qualifie encore de ceinture verte.
Peut-on imaginer que les « huertos » deviennent un élément structurant de la frange urbaine ? Peuvent-ils reconquérir les espaces perdus par la ville pour créer une continuité paysagère ? Est-ce que le vecteur social qui forme ce paysage peut garantir la pérennité de la ceinture verte de Barcelone ?
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