Jusqu’au 19ème siècle, la mer et le littoral, et plus particulièrement les côtes bretonnes et normandes sont mal perçues. C’est grâce au mouvement Romantique que l’on assiste à un changement de regard sur ces espaces. Remis au goût du jour depuis le début du 20ème siècle, ils sont soumis à une urbanisation forte : apparition de villas, développement de nombreux lotissements, de barres de logements.
Si la côte méditerranéenne semble avoir été totalement submergée par cette urbanisation galopante, la côte normande, quand à elle, reste relativement épargnée, notamment grâce à l’action du Conservatoire du Littoral. Néanmoins, une pression foncière commence à s’y faire sentir. Elle se traduit par une extension urbaine atteignant désormais le front de mer et les dunes, par l’agrandissement des ports, et l’implantation de casinos.
Le Cotentin, presqu’île normande, est l’une de ces régions côtières où les extensions portuaires et la construction de lotissements ont été prévues pour faire face à une forte demande. La beauté des paysages y attire chaque année toujours plus de touristes. Du Nord Cotentin jusqu’à la région de Granville, les paysages varient entre falaises rocheuses rappelant l’Irlande et massifs dunaires ponctués de caps, en passant par les bocages normands.
Carteret, village de pêcheurs et petite station balnéaire, fait face aux îles Anglo-Normandes situées à environ trente kilomètres. De là, des bateaux touristiques partent chaque jour pour visiter Jersey, Guernesey, Herm, Sercq et Alderney. Une tranche de population plus fortunée, venant des îles par yachts et voiliers de luxe, utilise fréquemment le port de plaisance.
Aujourd’hui, à Carteret, le port manque de place. La liste d’attente pour l’obtention d’un anneau maritime est longue. De plus, de nombreux touristes souhaiteraient y acquérir leur maison de vacances, mettant ainsi en péril le village déjà fragilisé.
Carteret s’est installé dans un havre naturel, formé par une rivière. Celui-ci constitue une grande ouverture sur la mer, où l’eau douce vient se mélanger à l’eau salée.
S’il ne constituait autrefois qu’un simple petit port de pêche, reposant sur les activités du chalutage et de la pêche aux crustacés, le village est aujourd’hui transformé par l’arrivée des bateaux, par l’implantation du port d’échouage, et par celle du bassin à flot. A proximité, une zone d’herbus, formation végétale similaire à celle des prés salés, est inscrite en Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique (ZNIEFF).
Même si ce statut n’a aucune valeur juridique, il souligne l’aspect écologique rare et fragile du havre. Néanmoins, en dépit de ce caractère exceptionnel, cet espace est aujourd’hui menacé par un projet prévoyant l’extension du port de plaisance. Celui-ci est destiné à faire face à un développement touristique considérable prévu pour les années à venir.
Carteret ne constitue pas un cas isolé, dans la mesure où de nombreux villages de la côte sont également concernés par ce programme national d’extension portuaire. De plus, les enjeux financiers issus de ces projets suscitent de nombreux conflits entre les différents acteurs locaux. Certains sont favorables au développement des services et activités portuaires, alors que d’autres semblent davantage concernés par la préservation de leur environnement.
En étudiant les différents projets d’aménagement de quelques villes du Cotentin, nous tenterons de comprendre comment il est possible de concilier l’extension des villes, et de préserver le caractère exceptionnel du littoral et de ses côtes, de ses havres et de leurs paysages, propres à la Normandie. Afin de préserver ce patrimoine paysager incontestable et de satisfaire au mieux chacune des parties, différentes solutions seront également proposées. |