L’Irlande du Nord connaît depuis une dizaine d’années de grands bouleversements économiques et politiques qui influent fortement sur l’évolution du paysage. Le niveau de vie des habitants s’élève, le tourisme se développe, le réseau routier a été amélioré grâce notamment aux fonds d’aides Européens. La guerre civile semble bel et bien terminée, l’armée Britannique a quitté les lieux après 38 ans de présence, le paysage tant urbain que rural évolue à vive allure.
L’anneau de Gullion se situe en Irlande du Nord, dans le Sud du comté d’Armagh. Ce paysage volcanique est composé d’un mont central, Slieve Gullion (576 m) et d’un anneau de collines, le Ring Dyke. Entre les deux s’étend une plaine agricole maillée de haies et de murets.
Ce site est le témoin d’une histoire riche et complexe. Les hommes s’y sont installés dès le Néolithique. Formant une frontière naturelle avec la République d’Irlande, l’anneau de Gullion s’est également appelé The Gap of North («la porte du Nord») car il a servi de barrière défensive à l’ancienne capitale de l’Ulster. Il a de tout temps été parcouru par des voies de communications majeures, comme le chemin de fer, et plus récemment, la nouvelle autoroute qui relie Dublin et Belfast.
Le paysage actuel de l’anneau de Gullion résulte d’une imbrication très forte entre des forces naturelles (sa géologie) et la présence de l’homme. Il y a construit de nombreuses voies de communication, des villages, défriché les forêts, cultivé la terre, créant ainsi une trame agricole caractéristique.
12 sites archéologiques et monuments «classés» sont présents ainsi que 25 «inscrits» et de nombreux autres ont été enregistrés. Il présente également plusieurs zones d’intérêt national et international du point de vue de la faune et de la flore.
Ces caractéristiques lui ont valu d’être reconnu par l’Etat en 1991, avec la création d’une AONB de 154km (Area of Outstanding Natural Beauty). Cette désignation, attribuée à des sites présentant un intérêt esthétique et naturel reconnu, permet de développer des moyens financiers et techniques pour la préservation du paysage et de l’héritage culturel. C’est le périmètre de cette AONB qui servira de cadre à ce diplôme.
Si la présence de l’homme dans cette région a façonné le paysage et participe de son intérêt, les changements économiques et culturels actuels soulèvent des inquiétudes quant à son avenir :
- L’évolution des techniques agricoles et la déprise transforment le maillage traditionnel.
- La pression exercée par l’urbanisation engendre un mitage des campagnes par de l’habitat individuel.
- La disparition du patrimoine bâti traditionnel entraîne une banalisation du paysage et la perte de ce qui fait son intérêt patrimonial et touristique.
- La construction de lotissements, sans réelle intégration à leur environnement ou au tissu urbain, pose problème. Ils sont parfois en co-visibilité avec des sites archéologiques classés.
- Les documents d’urbanisme montrent que pratiquement toutes les zones allouées au développement urbain ont déjà été construites. Il va donc falloir envisager de nouvelles extensions.
Mullaghbane est l’un des villages de cette AONB. Son centre «historique», quasiment abandonné, se trouve pris entre deux zones pavillonnaires.
Travailler sur ce village permettrait de se poser la question de la survie des centre-villages. Il s’agit, en effet, d’une zone dortoir pour la ville de Newry, il n’y a pratiquement pas de commerces et pourtant un vrai potentiel. L’intégration paysagère des lotissements existants est une autre problématique ainsi que l’extension du village et la restauration d’une âme et d’un équilibre.
La question du mitage devra également être abordée puisque c’est, là aussi, un problème majeur. L’architecture des maisons est discutable (souvent standardisée), leur implantation, leur environnement proche, rien n’est fait pour faciliter leur intégration visuelle dans le paysage. Est-ce dommageable pour ce lieu et pourquoi ? Se pose également la question du développement durable. Il va donc falloir s’interroger sur les documents d’urbanisme et les règlements qui régissent ces constructions. Sont-ils insuffisants ? Mal appliqués ? Quelles sont les différences et les similitudes avec l’urbanisation Française et Européenne, d’un point de vue législatif et culturel ?
Pour un paysage comme celui-ci, la question de la protection des sites historiques devra être soulevée. Il conviendra de comparer les systèmes législatifs Français, Irlandais et Britannique afin d’analyser leurs différences majeures et de comprendre quelles sont les conséquences sur la gestion et la préservation des sites. Quelle définition apporter à un tel paysage ? Où en est la notion de paysage historique et archéologique évoquée il y a une dizaine d’années en République d’Irlande ? Quelles conséquences sur le tourisme, l’accès aux sites, leur environnement visuel ? Quelle attitude adopter concernant l’urbanisation ? Faut-il laisser le paysage librement évoluer ou faut-il au contraire le figer au prétexte de la sauvegarde du patrimoine ? Quelle pourrait être la voie intermédiaire ?
Existe-t-il un moyen de concilier urbanisation, protection du paysage et des sites historiques dans l’AONB de Slieve Gullion ? |