Etudiant : Quentin De Néeff
Directeur de mémoire : Jean-Marc Gaulier
La Houille Blanche ou l'énergie d'un territoire. Quelles relations entre hydroélectricité et paysage depuis Bergès et Keller.

Situés entre le Massif de Belledonne et le Massif du Taillefer, les villages de Livet et Gavet se sont implantés au fond d’une profonde vallée taillée par la Romanche. à trente kilomètres de Grenoble, cette vallée forme  un goulet d’étranglement vers les stations de ski de l’Oisans.  Enclavée, sombre, industrielle et uniquement accessible par ses deux extrémités, cette vallée ne s’apparente guère à une terre d’accueil.

L’énergie hydroélectrique a apporté dans les Alpes une manne énergétique qui a amorcé des changements fondamentaux dans la société et la vie locale. Elle a entraîné le passage d’une société de petite agriculture montagnarde à une société industrielle. Ces mutations ont eu également un impact décisif sur le paysage des vallées des massifs alpins par le bâti industriel et les aménagements hydroélectriques. La vallée de Livet et Gavet qui constitue le vestibule du massif de l’Oisans est l’une de ces vallées alpines qui aura scellé son destin dans l’essor industriel grâce à l’hydroélectricité.

L’activité industrielle a façonné en profondeur la vie locale sur de multiples aspects : le logement, l’alimentation, la culture, l’éducation, la santé…
Elle a fait de ce territoire enclavé un creuset cosmopolite.

Mettant en jeu des fluides et des forces dans des dimensions qui dépassent l’échelle humaine, les industriels ont joué sur la mise en scène des activités : les bassins de décharge deviennent des fontaines, les centrales de vastes verrières, les barrages s’accrochent aux falaises pour créer d’imposantes cascades. Au-delà des dimensions fonctionnelles, le bâti industriel présente ici une véritable recherche de l’esthétique et du spectaculaire.

Quand, dans les années quarante, la concurrence et le progrès technologique ont eu raison des usines, ce seront les fondements d’une société vivant uniquement de l’activité industrielle qui seront sapés.

Seules persistent aujourd’hui une usine métallurgique et les structures de production hydroélectrique exploitées par EDF. L’inexorable marche du progrès impose à présent un accroissement des énergies renouvelables. Les infrastructures hydroélectriques surannées seront bientôt supplantées par une nouvelle centrale souterraine au rendement bien supérieur.

La trame industrielle aura bientôt disparu du site sans que la question d’un projet alternatif à la destruction de ces usines ne soit posée. Sans tomber dans un patrimonialisme exacerbé, la reconversion de ces bâtiments ne pourrait elle pas constituer le socle de nouvelles activités plus pérennes pour ce territoire et ses habitants ? Ou, est-ce à travers la nouvelle centrale que de nouveaux axes de développement peuvent être dégagés ? Car c’est en effet le devenir de cette vallée et de sa population qui est mise en question dans ces nouvelles mutations. C’est autour de la production hydroélectrique que résident les enjeux sociaux et paysagers de la vallée de Livet et Gavet.