Depuis les années 90, de nombreuses agglomérations ont entrepris d'importantes transformations visant à renouveler leur image, mais aussi à restaurer et qualifier les espaces urbains. La place accordée au paysage dans ce processus témoigne d'un nouveau regard porté sur la ville et d'un souci croissant de qualité de cadre de vie. Penser le paysage est un acte essentiel pour créer de nouvelles relations entre la ville et la campagne.
Le « décor-paysage » (l'environnement visuel observé) esthétise, masque l'étalement de la ville. Peu contraignant et malléable, le décor-paysage est la toile de fond sur laquelle l'urbanisation se diffuse. Le décor-paysage met en scène des éléments significatifs (haies, champs, jardins, fleurs...) de la vision idyllique d'une ville à la campagne, symboles de qualité du cadre de vie.
Concernant les nouveaux comportements, liés aux réalités urbaines, de ceux qui vivent à la campagne, quels types de relations tisse une ville liée au milieu agricole avec son décor-paysage ?
Châteaurenard, une ville d'environ 15000 habitants s'est développée et enrichie durant ces 50 dernières années grâce à son activité agricole.
Située en périphérie d'Avignon, au Sud de la Durance, Châteaurenard, au carrefour de deux départements, fait face à une urbanisation grandissante. Située au nord des Bouches-du-Rhône, la ville revendique sa proximité culturelle, voire identitaire, avec Arles, 50km plus au Sud.
Rattachée au Pays d'Arles, la ville subit de plein fouet l'attractivité de l'agglomération d'Avignon à 10km au Nord. Châteaurenard résiste.
La ville ne veut pas devenir dortoir et compte encore sur son héritage agricole pour faire valoir son identité culturelle, sa différence.
Le maraîchage fut, et est encore, l'agriculture principale de Châteaurenard. Un Marché d'Intérêt National (M.I.N), symbole de l'importance des échanges commerciaux légumiers, occupe huit hectares aux franges nord du centre de la ville. Pendant plusieurs années, le nom du M.I.N de Châteaurenard eut une résonance nationale voire internationale jusqu'aux années 80.
Depuis l'entrée des pays concurrents sur le marché européen, comme l'Espagne ou le Maroc, il est de plus en plus difficile pour les maraîchers de se faire une place sur le marché national.
Depuis 1986, le milieu agricole a subi de profonds changements causés par les crises successives en arboriculture puis en maraîchage.
La logique implacable de l'agriculture intensive impose partout son mode de développement destructeur. Pour survivre, l'agriculteur doit rester compétitif et donc améliorer sa productivité en cultivant des sols nivelés, remembrés, déboisés, permettant de rentabiliser un outillage toujours plus performant.
Les petites parcelles qui étaient toutes cultivées il y a vingt ans laissent place aujourd'hui, à 36%, à de la friche. Le Marché d'Intérêt National de Châteaurenard, lieu d'échanges et de transactions des marchandises, implique de moins en moins de producteurs, de produits et de transactions. Le paysage agricole qui était si diversifié, il y a encore vingt ans, a changé. Les produits de l'agriculture subissent l'évolution du marché mondial. Joués comme au casino sur des marchés spéculatifs auxquels les agriculteurs n'ont pas accès, ils constituent une industrie essentielle de l'économie de marché. Au plan local, les cultures s’homogénéisent (75% de salades), les tunnels se multiplient dans la campagne et sont équipés de modes d'irrigation modernes ; les friches et la ville gagnent du terrain. La Durance est loin, pourtant les canaux pour l'irrigation gravitaire apportent, comme avant, son eau au pied de chaque parcelle, comme si tout pouvait continuer.
à l'heure actuelle, quelles sont les perspectives d'avenir pour le bassin de production de Châteaurenard ?
Sur Châteaurenard, peut-on remettre en question le modèle productiviste ? Malgré son efficacité apparente, ce système perd peu à peu de sa crédibilité : trop de dépenses pour une production excédentaire dont la gestion nécessite de nouvelles dépenses. Ce mode de développement gaspille autant qu'il produit, détruit ou appauvrit les hommes et leur savoir.
à l’échelle de la ville de Châteaurenard, quelles sont les perceptions et les interactions existant entre ville et campagne ?
Le M.I.N et la zone artisanale du Barret, directement liés aux productions locales, restent les liens forts qui associent la ville à sa campagne productive. Ils sont le thermomètre des changements agricoles actuels. Lieux de toutes les rencontres, mais aussi des transmissions de savoir, ils reflètent les relations, la vie, la solidarité entre les producteurs de toute la région.
Situé à proximité du centre ville, le M.I.N est une esplanade bituminée de 8 hectares, « à moitié vide en pleine saison », constate l'équipe de ce dernier.
Le Marché d'Intérêt National sait que la ville approche et qu'elle s'étendra au-delà de la voie de chemin de fer, césure entre centre ancien et M.I.N.
Ce pôle agricole se sent tiraillé entre un déclin qui devient plus évident de jour en jour, et l'espoir d'une évolution de marché qui augmenterait la part des transactions locales, donnerait un nouveau souffle. La ville a son rôle à jouer dans cette évolution.
Comment concilier développement urbain et évolutions agricoles ? Comment concilier culture et modernité ? Comment aménager des espaces ruraux désertés ? Quelles relations peut-on construire entre le mode de vie ruralo-urbain et l'industrie agricole avec ses activités corollaires, dans notre dynamique de société de consommation ? |