C'est par son caractère rural
que la Mayenne se définit tout d'abord. Les collines et les vallons
fertiles de l'ensemble du département bénéficient
d'un climat océanique, marqué par la constance des pluies
et la douceur de l'hiver. Un territoire orchestré par l'agriculture
et son évolution : le maillage des haies décrit un parcellaire
qui, avant le remembrement, était largement plus dense et resserré,
mais dont la relative préservation fait de la Mayenne une terre
de bocage à part entière. L'élevage reste le mode
cultural le plus répandu, accompagné de la culture du mais,
du blé, de l'orge et de la betterave. Pour les mayennais, ce paysage
rural est un patrimoine, historique et affectif.
à une dizaine de kilomètres de Laval, préfecture du département,
s'est installé à Changé, en 1985, le Centre d'enfouissement
des déchets Séché. C'est le site pilote du groupe. à cette époque,
Joël Séché développe un type de gestion qui se veut
différent des autres par l'importance qu'il accorde au suivi écologique, à l'impact
paysager et à l'histoire du lieu. La politique d'exploitation vise pour
ces domaines à toujours aller plus loin que ce qu'impose la réglementation
environnementale. Ce chef d'entreprise est un mayennais d'origine qui intègre
dans son discours économique son attachement à son territoire, à ses
milieux naturels et à son âme agricole.
Le site comprend 170 hectares, dont 70 destinés au stockage de déchets
de classe 1 (industriels) et de classe 2 (ménagers). 50 hectares sont
réservés à la zone d'étude d'impact de l'exploitation
sur le milieu. Une zone est attribuée à l'agriculture selon le
mode du fermage. Les bâtiments présents dans l'enceinte comprennent
trois anciens corps de ferme pour l'administration et le laboratoire, un centre
de tri dont le style tend à reprendre celui des bâtiments agricoles
mayennais, une coopérative agricole qui exploite le gaz issu de la fermentation
des déchets. à partir de ce gaz (méthane), il est possible
de produire de l'énergie électrique : c'est l'objectif de la construction
d'une unité de production qui se réalise actuellement.
Face à cette démarche de production de valeur et de considération
de l'environnement, il ne s'agit pas d'omettre la fonction première de
ce lieu : stocker des déchets industriels et ménagers. Le déchet
décrit la relation qu'une société a avec elle-même,
définit son rythme de consommation et le mode de vie des individus qui
la compose. La quantité journalière d'ordures rejetées par
un Européen est environ de 1 kg, celle d'un Africain de 0.2 kg et d'un
Etats-Unien de 3.5 kg. Il y a une équation entre production de richesses
et production de déchets. Or une société comme la nôtre
doit pouvoir être capable, en plus de gérer cette matière
rejetée, de générer une conscience auprès des citoyens
des conséquences qu'elle implique.
L'enjeu pour l'entreprise Séché, et par extension pour la Commune,
est donc double : répondre de la responsabilité qu'elle a face à la
dangerosité et à la pérennité du produit qu'elle
manipule, et communiquer, avec la transparence nécessaire à un
sujet si délicat. Au fur et à mesure du temps, le stockage des
déchets implique l'élévation de "montagnes", des
collines artificielles aux dimensions plus expansées que celles des collines
alentours. Depuis 1985, le lieu a été déconstruit et construit
selon un schéma directeur qui a sans cesse évolué. Un travail
constant de réglage est nécessaire, de choix dans l'emplacement
des fosses et de leur extension, mais aussi de la place qu'on attribue à la
végétation et aux bâtiments que l'on conserve ou que l'on
installe...
Enfin,
la question majeure, et qui est déterminée par le développé de
l'action dans le temps, est celle du résultat final de ce processus.
Comment peut-on accompagner les dix années environ qu'il reste au
groupe Séché pour exploiter le site et aux acteurs extérieurs
pour partager leur regard? Que peut-on, à terme, offrir à la
population pour laquelle on projette de rendre ce lieu public ? Quelle
part laisser à l'agriculture ? Comment doit-on léguer et
raconter, sans nier ni cacher ? |