L’estuaire de l’Adour
présente une image singulière depuis sa traversée
de l’agglomération de Bayonne jusqu’à son embouchure
dans l’océan Atlantique. Le fleuve dévoile ici un
statut de frontière entre deux régions aux fortes personnalités :
la Gascogne et ses forêts de pins au Nord et le Pays Basque et
son relief de collines avec pour horizon les Pyrénées au
Sud. D’un point de vue administratif, la situation, à cheval
sur deux départements (les Landes et les Pyrénées-Atlantiques),
ne facilite pas la cohérence en matière d’aménagement
et de gestion de l’estuaire.
Et sur le plan physique, depuis le dernier pont de Bayonne (H. Grenet) jusqu’à la
mer, il n’y a plus aucun franchissement. Les deux rives se font face, un
peu étrangères l’une à l’autre : la rive
landaise industrielle et portuaire, et la rive basque plus résidentielle
et urbaine. La rive landaise (rive droite) est occupée sur presque tout
son linéaire par les zones industrielles et portuaires de Boucau puis
Tarnos. Tandis que sur la rive basque (rive gauche) se succèdent le centre
de Bayonne, puis le port du Soufre du Lazaret puis la marina et les zones résidentielles
et de loisirs d’Anglet proches de l’océan. Les paysages de
l’estuaire sont donc largement marqués par l’étendue
du port de Bayonne qui crée un décor insolite à la ville,
avec les grands volumes des hangars, les aciéries, les hautes grues et
les vestiges des jetées ; tout un patrimoine fascinant et contrastant
avec la plage, la ville et les activités de loisirs. Ces espaces ne sont
pas oubliés par la population ; bien au contraire, les docks ouverts
sont souvent investis ; on y croise des pêcheurs à proximité des
grues et des promeneurs intrigués par ces mastodontes de fer. La grande
digue de Tarnos et les jetées, bien qu’interdites d’accès,
constituent des promenades très appréciées par les habitants.
Et puis, on se surprend à observer, depuis la rive gauche, le spectacle
industriel des grues chargeant les cargos dans un vacarme de ferrailles entrechoquées.
L’estuaire de l’Adour se confond donc avec son statut de port. Mes
réflexions ne peuvent que s’inscrire dans le schéma général
des stratégies du port de Bayonne. Les différents objectifs énumérés
dans la charte portuaire (1997) expriment la volonté d’un développement économique
du port, mais aussi celle d’assurer la cohabitation harmonieuse des différentes
fonctions et de favoriser la réappropriation par la population. Depuis
son approbation, certaines réalisations ont été achevées ;
il s’agit principalement de réponses aux projets d’extension
portuaire et du développement du transport maritime, comme la création
de zones d’import-export. D’autres objectifs, comme la réappropriation
du port par la population, sont restés au stade des études.
L’estuaire est un vaste territoire qu’il me semble pourtant important
d’aborder dans sa globalité, et d’approcher par un travail
de rive à rive. Comment ne plus voir ce fleuve comme une frontière
mais comme un élément fédérateur ? Est-il possible
de rétablir sur chacune des rives les continuités aujourd’hui
souvent interrompues ? Comment faciliter le contact entre les diverses activités
(lieu de vie, de travail, de vacances, de transport, de loisirs…) et les
enchaînements entre elles ? Est-il possible de développer un
tourisme portuaire ? Comment mettre en valeur le patrimoine paysager de
l’estuaire tout en respectant les projets économiques du port ?
Comment lui apporter une écriture plus lisible ?
J’illustrerai ces propos par un projet qui se concentrera sur un
ou plusieurs lieux exemplaires. |