Briançon, sous-préfecture
des Hautes-Alpes est rattachée à la région PACA.
Cette petite ville de 10 740 habitants entretient un lien fort avec les
vallées voisines italiennes. En effet, avant l ‘évolution
des transports, les cols de montagne constituaient des portes vers l’Italie
tandis que le massif des écrins, plus haut en altitude, représentait
une barrière naturelle qui séparait le Briançonnais
de la France. Encore aujourd’hui, bien que Briançon soit à égale
distance entre Grenoble et Turin, l’accès vers Turin reste
le plus rapide.
Le département vit essentiellement grâce au tourisme, au rythme
des saisons d’activités été/hiver et des « hors
saisons » printemps/automne plus calmes. Si bien que dans une ville
comme Briançon, on peut avoir l’impression qu’il existe deux
villes : l’une, telle une carte postale, est dédiée
aux visites touristiques, tandis que l’autre, fonctionnelle, est vécue
par les habitants. En effet, la vieille ville fortifiée retrace aujourd’hui
sur ses lignes de crête et à l’intérieur de ses remparts
l’histoire d’une ville limitrophe. Cette cité intra-muros,
renforcée au fil des innovations de guerre par une succession de forts,
dominait et protégeait les trois vallées agricoles en contre bas.
Aujourd’hui sa silhouette forme un point de repère, un emblème
qui projette son aura bien au-delà de la ville et du massif alpin. En
outre, les Briançonnais qui n’y travaillent ou n’y habitent
pas, c’est-à-dire la majorité, ne s’y rendent presque
jamais. Cette image forte présente donc un côté illusoire,
telle une identité falsifiée.
Aux pieds de la forteresse, il n’y avait que quelques maisons puis des
hameaux implantés au milieu de terres agricoles. C’est seulement à l’époque
industrielle, avec l’implantation de l’usine de soie, appelée
la Schappe, que la ville basse s’est développée. à travers
ses ouvriers, cette usine renforça la double nationalité de la
ville, fonctionnant avec une main-d’œuvre aussi bien française
qu’italienne. La Schappe fait encore partie du quotidien des habitants :
le marché se déroule sur le parvis d’un de ses bâtiments
désaffectés, et le parc juste en arrière. Aujourd’hui,
la ville basse supporte beaucoup d’infrastructures lourdes pour assurer
l’autre forme de tourisme : un téléphérique,
des complexes sportifs, une zone industrielle, un casino, des centres de cures.
Cela assoit son dynamisme économique, mais lui donne une qualité troublante :
elle n’est ni belle, ni désagréable. En effet, son
centre-ville est morcelé, sans identité, mais le piéton
et l’automobiliste s’y côtoient sans problème. La rivière
de la Durance passe des gorges vertigineuses à un canal de béton,
en quelques mètres. Sa rive droite n’est accessible que sur une
toute petite portion alors qu’elle supporte l’ancien moulin de la
ville. L’usine a laissé au cœur de la ville des traces appréciées
par les habitants, mais regroupées autour d’un délaissé,
cachées derrière de longs murs. La zone industrielle formant la
porte sud de la ville est en partie en zone inondable, alors que la prévention
des risques fait partie du bagage culturel montagnard. Cette ville basse s’est
donc développée selon les contraintes liées à ses
fonctions, mais elle semble avoir oubliée que les habitants ne sont pas
seulement des usagers. Ils représentent également des histoires,
des sensibilités, ils ont un besoin intime de rêves et d’identité pour
vivre et dynamiser le territoire.
L’hostilité naturelle du site a orienté l’évolution
de la ville vers un caractère dial, entre opposition et complémentarité,
ville haute et ville basse, cigale et fourmis. Faut-il chercher un équilibre
entre les deux villes ? Les traces du passé industriel peuvent-elles
recoudre le tissu urbain ? Quel peut-être le rapport entre la ville
et la Durance ? Qu’en est-il de l’identité franco-italienne ?
Briançon s’est implanté dans un lieu enclavé dont
elle a tiré une science de l’économie d’espace. A-t-elle
disparu ? Le milieu naturel, aussi pur que dangereux, est-il seulement devenu
un produit commercial exploité par les habitants ?
Des usagers rêveurs, une carte postale humble
Le tourisme en carte postale
Des habitants. |