De l’autoroute, les tours
ciselées de la cathédrale annoncent la ville et son grouillement
de vie alors invisible. Un peu plus loin, le mont St Michel expose au
bas de ses pentes les taches claires des barres HLM. Le reste de la ville
semble confus, il est difficile d’en percevoir les différents
niveaux. Les toitures luisantes se mêlent aux prairies, les murs
des bâtiments à ceux des talus.
Cette image fugace est celle que j’ai eue de Toul pendant des années
et celle que retiennent chaque jour des centaines d’automobilistes.
Depuis l’époque gallo-romaine, Toul est une étape, un point
de passage. L’autoroute A31 et la voie de chemin de fer perpétuent
cette situation, mais on y passe plus rapidement, sans faire de halte.
La ville s’est implantée sur un marécage au pied
du Mont St Michel. La Moselle, qui forme une boucle, y est difficilement
franchissable et assure ainsi sa protection. à ces eaux, actuellement
dédoublées en Moselle sauvage et Moselle canalisée,
se mêlent, à Toul, celles de l’Ingressin. Petit ruisseau
détourné pour alimenter les fossés des fortifications,
il supporte aussi les eaux usées d’une partie de la ville.
Au haut Moyen Age, l’autorité ecclésiastique prend
possession de la ville et la régit jusqu’au rattachement
de la Lorraine à la France. La Lorraine est à cette époque
une zone de conflit entre la Prusse et la France, la situation militaire
de Toul est alors renforcée. Vauban dessine pour la ville une
carapace de terre et de pierres. Levées, bastions, fossés,
et demi-lunes assurent défense et sécurité, mais
provoquent aussi l’étouffement de la ville, Toul s’enferme.
L’enceinte clos un monde, clos une ville qui ne s’ouvre plus
qu’au ciel.
Les techniques et stratégies militaires évoluant, les protections
ne sont plus à l’échelle de la ville mais du pays.
Après 1870, Toul devient un fort retranché, l’enceinte
Vauban a moins d’impact, la ville sort de ses murs. Peu à peu
les militaires s’éloignent du centre et soulagent la ville
qui regagne du terrain. Casernes françaises puis américaines
se multiplient alors près des grands axes jusqu’à la
Seconde guerre mondiale. Dès l’abrogation du service militaire,
en 1997, la ville perd rapidement une grande partie de son activité.
Terrains et bâtiments retournent alors dans le domaine civil, mais
ils n’ont pas encore tous retrouvé d’usage ni de réelles
destinées.
Ville épiscopale, ville militaire, Toul cherche à devenir
simplement une ville. En quête d’identité, elle se retourne
et s’appuie sur son passé. Le patrimoine est restauré pour
développer le tourisme. Les fortifications sont figées dans
une image au plus proche de celle du XVIIIème. Elles restent pourtant
une division forte entre le centre-ville dense et la périphérie
au bâti beaucoup plus diffus. Le legs des terrains militaires exige
de repenser la relation entre le centre et sa périphérie,
entre les différentes échelles de la ville. |