Certaines parties de notre territoire sont
meurtries par les épisodes tragiques de l’Histoire.
Malgré le temps passé, de nombreux lieux gardent en leur
sein des stigmates profonds révélés par le témoignage
des survivants. Ce devoir de perpétuation qui s’est transmis
jusqu’à ce jour par oral est amené à disparaître
dans un délai proche. Il est progressivement remplacé par
l’art de l’Artefact encombré par l’objet (musées,
monuments aux morts) et par « l’obsession » commémorative
par peur de l’oubli.
Aujourd’hui, de nombreux sites devenus trop artificiels sous le phénomène
de la muséification ont perdu leur pouvoir d’évocation.
Une autre tendance inverse est constatée : la dissimulation de la
blessure par l’implantation d’un nouveau territoire pour gommer
le passé, pour nier sa présence.
Mais la mémoire est un vécu en perpétuelle évolution,
fragile, à la frontière du souvenir et de l’amnésie.
Conserver la mémoire des lieux, c’est raconter l’Histoire
pour transmettre aux générations futures le témoignage
des évènements qui s’y sont déroulés.
Ce devoir de mémoire est nécessaire, mais aujourd’hui,
il n’y a pas vraiment de réponses apportées, ou celles
proposées ne sont pas en adéquation : banalisation, peu d’implication
des nouvelles générations.
Pithiviers,
Petite ville prospère du Loiret, un centre urbain accueillant.
En poussant un peu plus loin la déambulation, en sortant du cœur
urbain, c’est un tout autre visage que la ville dévoile.
Juste là, à portée du regard, une longue avenue
débouchant sur une gare quasi déserte où passent
encore quelques wagons de marchandises. Une odeur prononcée de
sucre émanant des usines flotte dans l’air.
Une atmosphère pesante règne en ces lieux.
C’est ici, qu’entre 1939 et 1942 furent internées
plusieurs milliers de personnes juives, en attente d’une expédition
finale vers le camp d’Auschwitz.
Ce camp a aujourd’hui disparu. De ce lieu, il n’en reste
que le nom. Des pavillons et quelques stationnements y ont été implantés.
Près de ce lieu, on distingue les usines, les bâtiments
destinés à l’exploitation de l’industrie céréalière,
puis la plaine sur laquelle viennent se dessiner les masses imposantes
des usines sucrières. Au sol, des rails entrecroisés apparaissent,
accentués par la platitude de la Beauce. à cet endroit,
la terre semble stérile, la friche y pousse péniblement.
Tout rappelle la présence du camp, mais d’une toute autre
manière. C’est une mémoire en négatif que
nous révèlent les lieux, non pas à partir du camp
lui-même, mais par ses abords et les éléments environnants
ayant été en lien avec ce dernier.
Ici, le vide génère le plein. La plaine, les rails et leur
friche, le vrombissement permanent des usines. Rien de plus dans ce paysage
lourd et inerte.
L’objet de mon travail consiste en l’étude et les
rapports entre le site de cet ancien camp et son environnement, afin
de permettre la reconquête de ce site meurtri, cristallisé sur
son passé.
Comment révéler les éléments de mémoire
présents sur ce site, tout en permettant de faire évoluer
les paysages alentours ?
Comment sensibiliser sur ce territoire lorsque ce dernier est vécu
au quotidien ? Comment vivre avec ce territoire meurtri ?
Comment permettre aux habitants de s’approprier les lieux ?
Quels modes référentiels à trouver pour que Passé,
Présent et Futur puissent cohabiter sur ce même territoire
? |