Ce qui m’a amenée à choisir
ce sujet est d’abord son site.
Brest est une ville passionnante sur les plans urbanistiques et historiques.
« Ressuscitée » de la dernière guerre, elle
s’est métamorphosée : d’une topographie plutôt
capricieuse et charmante, son visage a été fait net et plus
plat par les remblais de la Reconstruction. La ville, ainsi surélevée
par rapport à son site d’origine, a vu sa rivière
natale devenir une sorte de canyon artificiel et inaccessible.
L’homme, ou plutôt les hommes (de l’ingénieur
au forçat) ont dompté les forces de la nature du lieu pour
un résultat tout aussi puissant, mais gris et carré.
A Brest, extrême ouest de l’ouest du continent européen,
« la vraie ville est l’arsenal ».
Le site de projet se trouve à l’embouchure de la Penfeld,
élément de nature au cœur de la ville, qui se jette
dans l’Atlantique au niveau de la rade de Brest, formant une ria
dont les eaux salées pénètrent le continent jusqu’à
un village du même nom, à l’entrée nord-ouest
de la ville.
Depuis trois siècles, les militaires français occupent les
deux rives de sa partie avale et la construisent. Le toponyme de ce projet
: Pontaniou est une crique ou anse de la rive droite qui appartient aujourd’hui
au fameux quartier de Recouvrance.
Ici, dans les actuels bassins n° 2 et 3 du port de Brest, des générations
de navires de la Royale ont été bâties et restaurées.
Mais bien d’autres histoires émanent de ce lieu.
Hors de l’enceinte militaire : une prison, une maison de correction
pour femmes et filles de mauvaise vie et une Caserne des marins sur le
plateau de Pontaniou…
De ces usages, trois espaces différenciés forment encore
un cadre autour du chantier naval : le plateau de Pontaniou au sud ; la
levée de Pontaniou et son bâtiment pont, derrière
quoi la prison, le terrain de la Madeleine et la rue Saint Malo, au fond
de l’anse ; le plateau des Capucins au nord.
Ce dernier est actuellement en reconversion et fait l’objet d’un
concours d’architecture qui doit aboutir en février 2004.
Cette opération est une « première » pour la
Communauté Urbaine de Brest, et va permettre le développement
du quartier de Recouvrance, face au centre-ville aménagé.
De là, l’idée de relier ce futur quartier à
l’ancien, et au centre-ville. Faire un lieu commun, ouvert sur la
Penfeld, berceau des deux parties.
Le regard de paysagiste que j’apporte au départ d’un
mouvement plus ample de réappropriation des quais par la ville
et les habitants, si l’avenir le permet, se veut exemplaire et efficace.
Le moyen d’accéder au paysage avant de l’arpenter concrètement
est la vue.
Une première intention : ouvrir, depuis le pont de Recouvrance
jusqu’au plateau des Capucins, permettrait de retrouver le vis-à-vis
essentiel des deux rives, aussi bien depuis Brest que depuis Recouvrance.
Pour conforter l’opération des Capucins, la deuxième
intention assurerait le lien piéton entre l’ancien et le
futur quartier jusqu’au centre-ville, desservant ainsi les différents
espaces de projet.
Et dans l’idée de recoudre avec le chapelet d’espaces
publics plantés existants le long du rivage, la troisième
intention : créer un parc en belvédère sur la ria
d’un côté et sur le chantier naval de l’autre,
mettant ainsi en scène la crique, encore animée par cette
activité.
Le projet part donc de deux volontés : le désir de montrer
en spectacle l’industrie et l’espace démesuré
de l’arsenal, dans le temps qu’il occupe encore les rives
de la Penfeld ; ainsi que celui d’entamer la reconquête du
site de Brest par ses habitants. |