« ça devait arriver… »
Le 21 septembre 2001, à 10h17mn56s, le bâtiment 221/222 de
l’usine AZF, qui contenait 300 tonnes de granulés d’amonitrate
explose : trente morts, neuf mille blessés, trente mille logements
sinistrés et deux milliards d’euros de dommages matériels.
A la suite de cette catastrophe, Total Fina Elf décide de fermer
son usine dévastée et de la démanteler entièrement.
Un immense chantier de déconstruction se met en place pour achever
ce qu’on appelle le « pardon de l’usine ». Les
hangars sont abattus et la grande tour rouge et blanche, véritable
phare de la ville, est définitivement rayée du paysage toulousain.
Ainsi, se renouvelle de façon brutale le palimpseste d’un
territoire en rapport avec l’histoire et la mémoire. L’usine
s’en va.
La ville, grande alchimiste de vie et de diversité, se reconstruit
sans cesse sur elle-même et son pouvoir remodèle, attribue,
comble, aménage et dégage ses espaces au fur et à
mesure de son éparpillement, avec toujours comme souci l’efficacité,
le rendement. L’agglomération toulousaine, véritable
oignon urbain consommateur d’espace, n’échappe pas
à la règle. Comment de telles usines se sont-elles retrouvées
encerclées d’autant d’habitations ? Est-ce le pôle
chimique qui a été implanté trop près de la
ville ou la ville qui s’est étendue au mépris du danger
? Cette question peut se poser à l’échelle mondiale.
Au lendemain de l’explosion, la presse se déchaîne
et dénonce un « Seveso sur Garonne », se demandant
même s’il ne faut pas déménager toute la chimie
de ce secteur.
Mais les solutions réalistes ne sont pas simples à intégrer
à la machine productive de la ville et je ne souhaite pas entrer
dans les débats brûlants sur la délocalisation des
industries à risques établies près des zones habitées.
Ma réponse serait une pure utopie. Le fait de s’extraire
de cette question liée aux risques industriels, encore existants
aujourd’hui puisque réside toujours la sœur jumelle
SNPE (Société Nationale des Poudres et Explosifs), classée
Seveso 2, prend la forme d’un postulat.
Deux ans après le désastre, la municipalité de Toulouse
révise son PLU et classe, sur les soixante-dix hectares du site
meurtri, vingt hectares en zone urbanisable le long de la route d’Espagne
(RN 20) et cinquante en zone naturelle avec des directives concernant
l’innondabilité du terrain et la pollution des sols, conséquence
directe des quatre-vingts années d’exploitation industrielle.
Cette volonté politique s’inscrit dans le cadre d’un
projet de mise en valeur de la vallée de la Garonne, grand vecteur
de nature à Toulouse, qui se traduirait par une ouverture et une
nouvelle image de l’espace public du sud de l’agglomération.
Ce territoire d’une centaine d’hectares est donc une aubaine
foncière qui peut participer à cette valorisation. Nous
ne parlerons plus d’AZF. Nous parlerons d’entrée de
ville, de Garonne, de fil tendu entre les deux rives et pourrons à
nouveau évoquer l’idée du parc Toulousain qui recouvrait
l’île Ramier, il y a cinquante ans. |