Etudiant : Jérôme Dumas
Directrice de mémoire : Nicole Combredet
TOULOUSE, ANNEE 2003, LE CHAOS DES POSSIBLES : ALCHIMIE D'UNE ZONE EN FRICHE

« ça devait arriver… » Le 21 septembre 2001, à 10h17mn56s, le bâtiment 221/222 de l’usine AZF, qui contenait 300 tonnes de granulés d’amonitrate explose : trente morts, neuf mille blessés, trente mille logements sinistrés et deux milliards d’euros de dommages matériels. A la suite de cette catastrophe, Total Fina Elf décide de fermer son usine dévastée et de la démanteler entièrement. Un immense chantier de déconstruction se met en place pour achever ce qu’on appelle le « pardon de l’usine ». Les hangars sont abattus et la grande tour rouge et blanche, véritable phare de la ville, est définitivement rayée du paysage toulousain. Ainsi, se renouvelle de façon brutale le palimpseste d’un territoire en rapport avec l’histoire et la mémoire. L’usine s’en va.
La ville, grande alchimiste de vie et de diversité, se reconstruit sans cesse sur elle-même et son pouvoir remodèle, attribue, comble, aménage et dégage ses espaces au fur et à mesure de son éparpillement, avec toujours comme souci l’efficacité, le rendement. L’agglomération toulousaine, véritable oignon urbain consommateur d’espace, n’échappe pas à la règle. Comment de telles usines se sont-elles retrouvées encerclées d’autant d’habitations ? Est-ce le pôle chimique qui a été implanté trop près de la ville ou la ville qui s’est étendue au mépris du danger ? Cette question peut se poser à l’échelle mondiale. Au lendemain de l’explosion, la presse se déchaîne et dénonce un « Seveso sur Garonne », se demandant même s’il ne faut pas déménager toute la chimie de ce secteur.
Mais les solutions réalistes ne sont pas simples à intégrer à la machine productive de la ville et je ne souhaite pas entrer dans les débats brûlants sur la délocalisation des industries à risques établies près des zones habitées. Ma réponse serait une pure utopie. Le fait de s’extraire de cette question liée aux risques industriels, encore existants aujourd’hui puisque réside toujours la sœur jumelle SNPE (Société Nationale des Poudres et Explosifs), classée Seveso 2, prend la forme d’un postulat.
Deux ans après le désastre, la municipalité de Toulouse révise son PLU et classe, sur les soixante-dix hectares du site meurtri, vingt hectares en zone urbanisable le long de la route d’Espagne (RN 20) et cinquante en zone naturelle avec des directives concernant l’innondabilité du terrain et la pollution des sols, conséquence directe des quatre-vingts années d’exploitation industrielle. Cette volonté politique s’inscrit dans le cadre d’un projet de mise en valeur de la vallée de la Garonne, grand vecteur de nature à Toulouse, qui se traduirait par une ouverture et une nouvelle image de l’espace public du sud de l’agglomération. Ce territoire d’une centaine d’hectares est donc une aubaine foncière qui peut participer à cette valorisation. Nous ne parlerons plus d’AZF. Nous parlerons d’entrée de ville, de Garonne, de fil tendu entre les deux rives et pourrons à nouveau évoquer l’idée du parc Toulousain qui recouvrait l’île Ramier, il y a cinquante ans.