Les confinements successifs et les nouvelles conditions de vie qui nous affectent tous depuis de nombreux mois, touchent de plein fouet une école de la nature et du paysage. Comment questionner les paysages que nous produisons quand nous ne les voyons plus ? Comment apprendre de manière collective quand chacun est isolé chez soi ? Comment penser les futurs espaces publics quand la plupart des usages sont interdits et surveillés ? Comment croire à une école en ligne ?
Depuis le printemps 2020, voici quelques-unes des questions qui nous occupent, enseignants, élèves, personnels administratifs. Les scènes d’échange, d’écoute et de débat se sont démultipliées, d’abord afin de prendre soin de tous puis afin de comprendre ce qui nous arrive et comment le traverser. Aujourd’hui, rien n’est simple. L’enseignement est partagé entre des séances en présence dans des dispositions aménagées de nos locaux, et des séances à distance, à grand renfort de moyens numériques, dont on connaît les impacts écologiques et sur la santé humaine. D’autre part, le contact avec le terrain nous manque beaucoup. Le printemps, saison précieuse pour les rencontres avec le vivant, nous l’avons vécu enfermés ; les déplacements sont devenus difficiles à organiser ; l’expérience collective des espaces s’est considérablement réduite. L’apprentissage mutuel, l’un des fondements de notre pédagogie, est devenu ardu : il est difficile pour les élèves isolés d’apprendre des séances de critique collective et d’exposition des travaux. Le lieu de l’école se rappelle pourtant à nous comme le fondement de l’apprentissage : il est l’endroit où l’on se croise, où l’on partage, où l’on confronte ; il est le lieu de l’égalité entre les élèves, qui disposent des mêmes moyens matériels ; il est le lieu de représentation où les essais, les expérimentations se montrent ; il est le lieu de l’interdisciplinarité, essentielle à l’enseignement du projet de paysage. Aucune de ces dimensions ne peut exister à distance, derrière un écran.
Nous tentons d’apprendre chaque jour de ces situations, et de considérer ce cadre contraint comme un nouvel espace d’imagination. Pour démarrer ce semestre, nous imaginons changer nos pratiques pédagogiques et collectives, afin de retrouver le contact avec le terrain, l’apprentissage mutuel et le croisement des disciplines. De nombreux enseignements se déplacent vers le sujet développé en atelier de projet ; des enseignements s’associent afin de favoriser des temps en atelier, respectant toutes les consignes sanitaires, et des temps de travail « chez soi » plus autonomes. Les ressources précieuses que sont notre bibliothèque, la bibliothèque universitaire, sont autant de lieux d’apprentissage que nous sommes amenés à redécouvrir. Enfin, en troisième année, année de l’échelle urbaine, nous organisons un semestre manifeste, composé de séminaires portant sur la pratique, jusqu’à épuisement, de la ville de Blois.
Ces situations nous demandent en permanence de nous interroger sur ce à quoi nous tenons et sur ce que nous refusons. Nos élèves nous le rappellent sans cesse, la période que nous traversons doit intégrer nos pratiques d’observation et d’imagination. Nous croyons plus que jamais à la nécessité vitale de décloisonner et d’ouvrir nos perspectives, en faisant davantage de place aux sciences du vivant et aux transversalités entre les enseignements. Nous voyons les questions d’écologie et d’organisation collective devenir indissociables, et prendre toujours plus de place depuis quelques années, dans nos soutenances de diplôme, comme dans nos vies quotidiennes. Si le cadre change, si nos conditions sont différentes, si nos gestes sont inhabituels, nous avons encore la liberté de nous y inventer de nouveaux espaces communs, de nouveaux imaginaires, et de rester en mouvement.